Il est parfois difficile de trouver, parmi les candidats aux élections professionnelles, des salariés qui acceptent d’être désignés en qualité de délégué syndical. C’est la raison pour laquelle la loi autorise les syndicats, dans certains cas, à désigner un délégué syndical parmi leurs adhérents. Mais dans quelles conditions peuvent-ils le faire ? La Cour de cassation, dans cet arrêt du 8 juillet 2020, apporte des précisions sur ce point.
 
L’article L. 2143-3 du code du travail traite trois situations susceptibles d’intervenir dans le cadre de la désignation des délégués syndicaux (DS) :
  • celle de l’absence de candidats présentés par l’organisation syndicale ayant recueilli 10% des suffrages à titre personnel dans leur collège; 
  • celle où il ne resterait dans l’entreprise ou dans l’établissement plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces mêmes conditions; 
  • et celle dans laquelle l’ensemble des élus ayant obtenu 10% des suffrages renoncerait par écrit à leur droit d’être désigné DS.
Si l’organisation syndicale représentative se trouve face à l’une de ces hypothèses, alors elle peut désigner un DS : 
  • parmi les autres candidats, 
  • ou à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement, 
  • ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique.
La loi du 29 mars 2018 ratifiant les ordonnances du 22 septembre 2017 a complété l’article L. 2143-3 du code du travail, en ajoutant la situation dans laquelle l’ensemble des élus ayant obtenu 10% des suffrages renonceraient au mandat de DS. Il s’agissait ici de contrer la jurisprudence de la Cour de cassation qui ne permettait pas de désigner un salarié qui n’aurait pas obtenu 10% dès lors qu’un élu présent dans l’entreprise les avaient obtenus.
Mais une question demeurait encore en suspens : la modification issue de la loi du 29 mars 2018 ne prévoit que le cas où des « élus » auraient renoncé par écrit à leur droit d’être désignés DS. Mais qu’en est-il des candidats non élus ayant obtenu 10% des suffrages ? Que se passe-t-il s’ils renoncent, eux aussi, au mandat de DS ? Le syndicat peut-il se tourner vers un simple adhérent ? C’est l’une des questions auxquelles répond la Cour de cassation dans cet arrêt du 8 juillet 2020.
 
Le syndicat peut désigner un adhérent si tous les candidats de sa liste ont renoncé au mandat de DS
 
Dans cette affaire, le syndicat CGT, pour remplacer le précédant DS qui avait démissionné, a désigné l’un de ses simples adhérents en qualité de DS, au motif que tous les autres candidats de sa liste avaient renoncé à exercer les fonctions de DS. L’entreprise demande l’annulation de cette désignation. Elle considère qu’à la lecture de l’article L. 2143-3 du code du travail précité, ce n’est qu’en cas de renonciation de tous les « élus » que le syndicat peut désigner un simple adhérent en qualité de DS, et non pas en cas de renonciation de tous les « candidats ». 
 
Ce n’est pas ce que la Cour de cassation a retenu ici. Elle explique que l’article L. 2143-3 du code du travail doit être lu à la lumière des travaux préparatoires de la loi du 29 mars 2018, et être interprété en ce sens que, lorsque tous les élus ou tous les candidats qu’elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé à être désignés DS, l’organisation syndicale peut désigner comme DS l’un de ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement, ou l’un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique. 
 
Le syndicat n’a pas l’obligation de proposer le mandat de DS à tous les candidats
 
Par ailleurs, l’entreprise estime, toujours à la lecture de l’article L. 2143-3 du code du travail, que ce n’est que si aucun autre candidat n’est susceptible d’être élu, même parmi les candidats d’autres listes syndicales, qu’il est possible de désigner un DS parmi les adhérents du syndicat.
 
Mais, encore une fois, ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation, qui reprend une jurisprudence rendue sous l’empire des textes applicables avant l’entrée en vigueur de la loi du 29 mars 2018. Elle explique en effet que s’il n’est pas exclu qu’un syndicat représentatif puisse désigner un salarié candidat sur la liste d’un autre syndicat qui a obtenu au moins 10% des voix et qui l’accepte librement, l’article L. 2143-3 du code du travail n’exige pas de l’organisation syndicale qu’elle propose, préalablement à la désignation d’un DS, à l’ensemble des candidats ayant obtenu au moins 10%, toutes listes syndicales confondues, d’être désigné DS (Cass. Soc., 27 févr. 2013, n° 12-15.807).
 
Ainsi, lorsque tous les élus et/ou tous les candidats présentés par le syndicat ont renoncé au mandat de DS, le syndicat peut désigner l’un de ses adhérents en qualité de DS, sans avoir l’obligation de proposer préalablement ce mandat aux autres candidats d’autres listes syndicales.
 
Cet arrêt constitue, selon nous, la première application de l’article L. 2143-3 du code du travail tel que modifié par la loi du 29 mars 2018.

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