Un accord mettant en place le travail de nuit est présumé conclu en tenant compte des impératifs de protection de la santé et la sécurité des travailleurs, selon les ordonnances Travail de 2017. Pour autant, les juges ne sont pas dispensés de rechercher si une ou plusieurs clauses de ces accords sont contraires à la loi, tranche la Cour de cassation dans un arrêt du 7 janvier.

Le travail de nuit doit rester exceptionnel. Cette règle d’ordre public imposée par le code du travail prévoit également que cette organisation du travail « prenne en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs » et soit justifiée « par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale » (article L. 3122-1 du code du travail). Lorsque le travail de nuit est mis en place par convention ou accord collectif (d’entreprise, d’établissement ou à défaut, de branche), ce dernier doit transcrire les garanties accordées aux travailleurs de nuit, notamment en matière de contreparties ou de mesures destinées à faciliter l’articulation vie personnelle / vie professionnelle. 

Sous l’effet des ordonnances Travail de 2017, ces conventions ou accords collectifs deviennent « présumés négociés et conclus conformément aux dispositions de l’article L.3122-1 du code du travail » (article L. 3122-15 du code du travail). Autrement dit, à compter du 24 septembre 2017, ces accords sont présumés prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et être justifiés par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique de l’entreprise ou des services d’utilité sociale.

De là à dire que le travail de nuit est présumé justifié dès lorsqu’il est mis en place par accord collectif, il n’y a qu’un pas… que la Cour de cassation refuse de franchir. Illustration à travers un arrêt rendu le 7 janvier 2020 au sujet de l’ouverture en soirée d’un commerce de la chaîne Monoprix situé dans le 11e arrondissement de Paris.

La vérification s’impose

Dans cette affaire, la cour d’appel avait relaxé l’employeur de l’infraction de mise en place illégale du travail de nuit. Elle considérait que, malgré le fait que les salariés avaient travaillé régulièrement après 21 heures durant l’année 2015, la présomption de légalité de l’accord collectif permettant le travail de nuit dans la branche n’avait pas été renversée. 

La Cour de cassation interprète beaucoup plus strictement le principe. Elle considère que l’existence d’une convention collective, même si elle est présumée valide, ne suffit pas à établir que les conditions de l’article L.3122-1 sont réunies. Il appartenait aux juges « de mieux contrôler si ces exigences étaient remplies dans le cas de l’établissement en cause, fût-ce en écartant les clauses d’une convention ou accord collectif non conformes ». 

 

La pratique du travail en soirée dans les commerces alimentaires donne du grain à moudre à la Cour de cassation depuis plusieurs années, les juges estimant que cet usage est en contradiction avec la loi. La situation pourrait évoluer bientôt : le projet de loi « mesures d’ordre sociales » présenté le 13 novembre en Conseil des ministres prévoit de lancer une phase de concertation avec les partenaires sociaux. Le thème : autoriser le travail « en soirée » de 21 heures à minuit dans les commerces de détail alimentaire, mêmes situés hors zones touristiques internationales. Le projet de loi prévoit que le gouvernement pourra adopter une ordonnance afin de mettre en place une telle mesure. Si cette mesure est adoptée, les heures de 21 heures à minuit ne seront pas comptabilisées comme du travail de nuit.
 
Source – Actuel CE