Le représentant du personnel qui impute une absence précipitée de l’entreprise pour aller rattraper son perroquet pendant ses heures de délégation commet un abus et peut être sanctionné pour abandon de poste.

Que le salarié soit membre élu du CSE, représentant syndical ou encore délégué syndical, la détention au sein de l’entreprise d’un mandat de représentant de personnel est bien synonyme de protection, pas d’immunité. D’abord, en tant que salarié, le représentant du personnel peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire comme tout autre salarié. Lien de subordination et obligations issues du contrat de travail obligent. Ensuite, ce représentant du personnel peut être sanctionné pour des faits en relation avec l’exercice de son mandat. Mais, heureusement, pas pour n’importe quels faits.
 
En effet, d’après la jurisprudence, « sauf abus, le représentant du personnel ne peut être sanctionné en raison de l’exercice de son mandat pendant son temps de travail » (Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 18-16.713). Autrement dit, tant que l’intéressé reste dans les limites de son mandat, il ne peut pas faire l’objet d’une sanction disciplinaire liée à l’exercice de ce mandat. En revanche, s’il franchit la ligne jaune en commettant un abus, l’employeur retrouve son pouvoir de sanction. Reste à savoir dans quelle situation il pourrait y avoir abus.
 
Impossible de donner une réponse générale à cette question car tout va dépendre des faits qui se seront produits et des éléments de preuve apportés par l’employeur.
 

Utilisation des heures de délégation pour une activité personnelle

A titre d’exemple, il vient d’être admis que la mise à pied disciplinaire de 3 jours infligée à un délégué syndical ayant utilisé ses heures de délégation pour un motif purement personnel était pleinement justifiée.
Dans cette affaire, le salarié avait quitté l’entreprise le 2 octobre 2014, à 15 heures, et avait déclaré à son retour 5 heures 30 de délégation correspondant à son absence pour cette journée. Pour les juges, « la concomitance entre l’absence du salarié le 2 octobre 2014 et le courriel, adressé le même jour à la direction par son supérieur hiérarchique expliquant que le salarié avait indiqué devoir s’absenter précipitamment en raison de la fuite de son perroquet hors de la cage », suffisait à prouver que l’intéressé s’était effectivement absenté pour un motif personnel. D’où l’existence d’un abus dans l’exercice du mandat et d’un manquement du salarié à ses obligations professionnelles, à savoir l’abandon de poste. La mise à pied disciplinaire de 3 jours était donc proportionnée à l’abandon de poste ainsi retenu.
 
Autre exemple issu d’une jurisprudence du 23 octobre 2019 (Cass. soc., 23 oct. 2019, n° 17-28.429). Il y a été jugé que le fait pour un élu d’imposer sa présence non souhaitée à un entretien informel entre l’employeur et une salariée et de perturber l’entretien en tentant d’enfoncer la porte constituait un abus dans l’exercice du mandat.
 

Information tardive de l’employeur des absences pour délégation

Il avait par ailleurs été constaté que les heures de délégation prises par le salarié entre le 2 et 5 mars 2014 avaient fait l’objet d’un bon de délégation du 18 mars 2014 et avaient été redistribuées différemment sur d’autres journées 10 jours plus tard.
Verdict des juges : le rappel à l’ordre infligé par l’employeur pour information tardive était proportionné aux faits reprochés et n’avait donc pas à être annulé.
 
Source : Actuel CSE