Il nourrira le projet de loi débattu au Parlement avant l’été et prévoit de nombreuses mesures réclamées par les chefs d’entreprises, notamment de TPE-PME. Le rapport sur la simplification propose de rehausser de 50 à 250 le seuil obligatoire du CSE, de supprimer la BDESE pour les entreprises de moins de 250 salariés, de permettre aux petites entreprises de déroger aux accords de branche, de réduire le délai pour contester aux prud’hommes son licenciement…

Les chefs de TPE-PME veulent « simplifier drastiquement la vie des entreprise », se plaignent de 400 000 normes applicables, de 1 786 décrets parus en 2022, et même du nombre de mots par loi. Ils dénoncent « une inflation normative », « des démarches administratives considérées comme un réel frein ». Lors de son discours de politique générale, le 30 janvier, le nouveau Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé en écho à leurs souhaits sa volonté de « simplifier », « débureaucratiser » et « désmicardiser » la France (lire notre article). Cette vision s’est traduite concrètement hier avec la remise du rapport parlementaire sur la simplification des entreprises à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, et Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises (document en pièce jointe).

Intitulé « Rendre des heures aux Français – 14 mesures pour simplifier la vie des entreprises », il prévoit en effet de multiples simplifications administratives, de propositions de guichets uniques, de numérisations de démarches, de suppressions de formulaires en double. Les rapporteurs proposent également de pousser plus loin les logiques de la loi Pacte de mai 2019 et des ordonnances Macron de 2017. Tour d’horizon des mesures impactant les salariés, les représentants du personnel et les RH.

Relever les seuils d’un cran, y compris ceux du CSE

Le rapport suggère de relever d’un cran les trois principaux seuils d’effectifs issus de la loi Pacte, soit 11, 50 et 250 salariés. Ainsi, les obligations sociales relevant aujourd’hui du seuil de 11 salariés seraient transférées aux entreprises employant plus de 50 salariés, et celles du seuil de 50 salariés aux employeurs de plus de 250 salariés. Il ne préconise rien pour les obligations du seuil de 250 salariés mais se penche sur la création d’un seuil de 1 000 salariés « traduisant mieux la réalité économique des entreprises de taille intermédiaires ».

Ainsi, si l’on suit cette logique, le CSE obligatoire aujourd’hui à 11 salariés ne le serait plus qu’à compter de 50. Cela n’est cependant pas indiqué expressément, et à défaut de disposer d’un projet de loi, il est difficile pour l’instant d’y voir clair. En revanche, le CSE obligatoire à compter de 50 salariés relèverait d’un seuil de 250 salariés. Le rapport l’indique explicitement à titre d’exemple. Rappelons à cet égard quelques différences entre ces deux seuils de CSE : actuellement, le CSE des entreprises de plus de 50 salariés dispose de missions plus étendues que celui de 11 salariés. Entre autres, il est consulté selon les termes de l’article L.2312-17 du code du travail, à savoir sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière de l’entreprise, la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi. Il peut exiger la mise en place d’une base de données économiques sociales et environnementales (BDESE), assure et gère les activités sociales et culturelles, dispose d’un droit d’alerte économique, peut se faire assister d’un expert et d’un expert-comptable. Surtout, un CSE d’entreprise de plus de 50 salariés dispose de la personnalité juridique. Il peut donc signer des contrats, posséder des biens et agir en justice.

Autant de facilités et de libertés dont ne bénéficient pas les CSE des entreprises de 11 à 50 salariés. Un relèvement des seuils du CSE aurait donc de multiples conséquences pour les CSE en place et les salariés. On peut d’ailleurs s’interroger sur les modalités de suppression des CSE du seuil de 11 à 50, et supposer que leur effectivité attendra la fin des mandats en cours.

Le rapport prévoit également de relever une partie des obligations relevant de chaque seuil, sans donner plus de précisions et de créer des « seuils intermédiaires » de 20 et 100 salariés en remplacement des seuils de 11 et 49 salariés.

Il recommande aussi de rehausser de 50 à 250 salariés l’obligation d’établir un règlement intérieur et le dispositif du lanceur d’alerte.

La BDESE menacée ?

 La BDESE est aujourd’hui obligatoire à compter de 50 salariés. Dans le but de « mettre fin à des formalités inutiles », le rapport souhaite exonérer de l’obligation de mettre en place une BDESE les entreprises de moins de 250 salariés. Selon le texte, son « utilité réelle n’est pas avérée dans un contexte de renforcement des obligations de reporting extra-financier ». Mi-janvier, la CPME avait demandé qu’elle devienne « facultative » et limitée « aux seuls cas où les représentants du personnel en font la demande expresse ». Enrichie d’indicateurs environnementaux depuis la loi climat d’août 2021, la BDESE contient également les informations sociales, économiques et stratégiques de l’entreprise. Elle constitue à ce titre le principal vecteur d’information des élus du personnel dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Elle doit également être mise à disposition par l’employeur sur support informatique dans les structures de plus de 300 salariés (à défaut d’accord).

Le rapport suggère également un passage du seuil de 250 à 1 000 salariés pour déclencher le renforcement des indicateurs de la BDESE. 

6 mois pour contester son licenciement en justice

En décembre 2023, Bruno Le Maire avait proposé de réduire d’un an à deux mois le délai dont dispose aujourd’hui un salarié pour contester son licenciement aux prud’hommes (lire notre article). Le rapport parlementaire retient une durée de six mois en s’appuyant principalement sur des comparaisons internationales : « Le délai de prescription médian dans les pays de l’OCDE est de 2 mois à partir de la date effective du licenciement, là où il est d’un an en France. Cela affecte la prévisibilité du coût du licenciement et impacte in fine les décisions d’embauche ». A noter que la procédure devant les tribunaux français ne tient plus compte du principe d’unicité d’instance depuis la réforme de 2016 (décret n’° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale). De ce fait, les avocats ne peuvent plus ajouter de demandes au fil de la procédure, verrouillée dès son commencement. Dans ses comparaisons internationales, le rapport ne précise pas si ce régime s’applique dans les autres pays de l’OCDE.

Il ajoute que les taux d’appel et d’infirmation des décisions sont supérieurs devant les prud’hommes par rapport aux autres instances devant les tribunaux de commerce par exemple. Une comparaison étonnante consistant à prendre en miroir des juridictions qui n’ont pas le même objet.

Une dérogation aux accords de branche pour les petites et jeunes entreprises

Le rapport suggère de permettre aux entreprises de moins de 5 ans employant moins de 50 salariés de déroger aux accords de branches, notamment en matière de salaires minimum conventionnels et de temps de travail, sans fermer la porte à d’autres thèmes. Justification : « Les petites et jeunes entreprises qui disposent d’un fort potentiel de croissance sont peu représentées dans les négociations des accords de branches. La mise en place de salaires minimum conventionnels pèse sur leur capacité à créer des emplois. La plupart des accords de branches ne prévoient pas d’adaptation aux TPE et aux PME ».

Cette dérogation serait provisoire et sélective, elle se ferait « après l’accord individuel des salariés avant de se mettre en conformité via, notamment, l’augmentation des salaires au bout d’un délai de 5 ans ».

Libérer les temps partiels

« Il est nécessaire d’accroître la flexibilité du recours au temps partiel de manière à favoriser la création d’emplois », annonce le rapport. Le temps partiel « permet un retour dans l’emploi de personnes qui en ont été éloignées ou le maintien dans l’emploi de certaines populations ». De nouveau, le texte s’appuie sur des comparaisons européennes pour soutenir « l’impact positif pour l’emploi et la croissance de la flexibilité dans le recours au temps partiel ». Il recommande de revoir à la baisse de plancher d’heures hebdomadaires fixé aujourd’hui à 24 heures par semaine (104 heures par mois : article L3123-27 du code du travail). Selon la dernière étude de la Dares (direction statistique du ministère du travail) publiée en juillet 2023, le temps partiel concerne aujourd’hui surtout les femmes (26,7 %) contre 7,5 % des hommes. Il concerne également 25,8 % des jeunes de 15 à 24 ans et 24,3 % des plus de 55 ans. 29,9 % des salariés à temps partiel sont des employés, 9,2 % sont des cadres. Rappelons que la conférence sociale du 16 octobre 2023, menée en son temps par Élisabeth Borne, s’était engagée à ouvrir une négociation auprès des partenaires sociaux sur les temps partiels subis, qualifiés « d’incompréhensibles ». Le document de travail de la conférence avait pointé qu’ils concernent un salarié sur six et huit femmes sur dix, et qu’ils alimentent la pauvreté au travail.

Simplification des déclarations, autorisations et démarches administratives

Le document fourmille de propositions de simplifications administratives :

  • Harmoniser des méthodes de calcul des effectifs pour la détermination des seuils entre les exigences du code du travail, du code de la sécurité sociale et du code de commerce ;
  • Simplifier la déclaration des arrêts de travail et la liquidation des indemnités journalières en se limitant à l’avis d’arrêt de travail transmis par le médecin prescripteur ou le salarié ;
  • Supprimer l’attestation employeur rematérialisée destinée à Pôle Emploi au profit d’une simple dématérialisation horodatée ;
  • Diminuer le nombre d’enquêtes obligatoires (Banque de France, Insee) et favoriser leur pré-remplissage ;
  • Généraliser le recours au titre emploi services entreprises (TESE) pour les entreprises de moins de 50 salariés ;
  • Développer le recours aux interfaces de programmation automatisées (API) et les espaces sécurisés de données pour créer un coffre-fort numérique unique contenant l’ensemble des éléments relatifs aux entreprises détenus par les administrations. Par exemple, la déclaration préalable à l’embauche déclencherait automatiquement le rendez-vous du salarié avec la médecine du travail ;
  • Supprimer le dépôt des comptes de l’entreprise au greffe du tribunal de commerce ;
  • Remplacer des autorisations administratives par de simples déclarations : non-renouvellement d’un salarié temporairetransfert d’un contrat de travail, dépassement des durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail effectif par salarié, horaires individualisés, définition des plages horaire du travail de nuit (21h-7h), affectation à des postes de nuit ;
  • Permettre aux entreprises de solliciter un examen de conformité par l’inspection du travail ;
  • Développer la pratique des rescrits ;
  • Dépénaliser les obligations déclaratives des dirigeants, notamment sur le registre des bénéficiaires effectifs exerçant un contrôle sur une société ;
  • Recenser et supprimer les doublons de formulaires.
Marie-Aude Grimont

Source – Article issu du site Actuel CSE