Par Jeanne HOMINAL et Didier ROSTAING,

Nous vous proposons régulièrement des chroniques rédigées par des membres du comité des CE auprès du Conseil supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables. Aujourd’hui Jeanne Hominal et Didier Rostaing reviennent sur les nouvelles dispositions de la loi de sécurisation de l’emploi concernant les délai de consultation du CE et notamment des délais en cas de recours à un expert.

Le décret du 27 novembre 2013 a officiellement donné le départ à l’application des nouveaux délais de consultation des CE. Issues de la loi de sécurisation de l’emploi (LSE) du 14 juin 2013, ces nouvelles dispositions viennent préciser cette notion, jusqu’alors très « floue », de « délais d’examen suffisants », ainsi qu’elle était exprimée.

Cette initiative répond plutôt positivement à la nécessité, tant pour les élus que pour les employeurs et aussi par les praticiens comme les experts, de disposer de repères précis pour programmer leurs travaux et éviter toute querelle procédurale stérile.

Le nouveau régime, en application depuis le 1er Janvier 2014, et instauré par l’article L.2323-3 et R.2323-1 du Code du travail, met en exergue un double principe :

  • En premier lieu, l’ouverture de la voie à une négociation et un accord d’entreprise.
  • En second lui, à défaut d’accord, l’observation de délais « préfix » fixée par la Loi.

Les consultations concernées par ce nouveau dispositif sont globalement toutes celle prévues dans le cadre des attributions économiques du CE, ainsi que certaines consultations spécifiques aux modalités d’exercice de droit de suppression des salariés, au bilan social, et aux contingents annuels d’heures supplémentaires. Certaines consultations, faisant l’objet de dispositions législatives spéciales, ne sont pas concernées par ces nouveaux délais, notamment celles pour lesquelles le code du travail a déjà fixé un calendrier.

L’ouverture à un accord d’entreprise

L’accord peut porter sur l’ensemble des modalités de consultation du comité d’entreprise, ou sur le seul point des délais. Il peut fixer un calendrier pour l’ensemble des consultations récurrentes et ainsi définir un cadre de dialogue social dans l’entreprise ou ne s’appliquer qu’à certaines consultations.

Adopté à la majorité des membres titulaires du CE, cet accord ne peut prévoir de délais inférieurs à 15 jours, quelle que soit la consultation concernée.

Ces délais peuvent être prolongés par un accord entre l’employeur et le comité d’entreprise.

Précision que les comités d’établissement conservent leur autonomie de négociation et ne peuvent se voir imposer un accord central.

A défaut d’accord, place aux délais légaux

Lorsque les partenaires sociaux n’ont pu se mettre préalablement d’accord sur ces délais la loi imposer le respect de délais préfix, à savoir :

  • dans le cas général : 1 mois ;
  • en cas de recours à un expert : 2 mois ;
  • en cas d’intervention du CHSCT : 3 mois ;
  • en cas d’intervention de l’instance de coordinations du CHSCT : 4 mois.

Le point de départ de ces délais

Ce délai court à compter de la communication aux élus, par l’employeur, des informations prévues par le code du travail pour la consultation ou de l’information par l’employeur de leur mise à disposition dans la base de données unique (BDU).

Cette mise à disposition, au sein de la prochaine BDU, devra répondre à certains critères réglementaires (actualisation périodique, mode d’accès, etc.). Lorsque le CE estimera ne pas disposer d’informations suffisantes ou pertinentes, il lui reviendra de saisir en référé le TGI (Tribunal de Grande Instance) pour obtenir communication des informations complémentaires. Le juge, qui devra se prononcer sous huit jours, pourra le cas échéant, proroger le délai de consultation.

Conséquence de ces délais

Désormais le CE qui n’aura pas rendu son avis dans les délais prévus (par accord ou par la loi) sera réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif.

Les délais pour l’expertise : une contrainte à connaître

Les délais des missions d’assistance d’expert-comptable dans le cadre des missions d’assistance aux consultations du comité d’entreprise s’inscrivent logiquement dans le cadre des délais qui s’appliquent à ces consultations. Fautes d’accord, les délais définis pour l’assistance de l’expert sont :

Pour les demandeurs/remises des informations

  • Consultations orientations stratégiques et concentration : 3 jours à compter de la désignation pour que l’expert formule sa demande et 5 jours à l’entreprise pour apporter les réponses ;
  • PSE : 10 jours pour une première demande, avoir réponse dans les 8 jours de l’entreprise, puis possibilité d’une demande d’informations complémentaires dans les 10 jours de la première réponse, et retour de l’entreprise dans les 8 jours.

Pour les rapports

  • Consultation PSE et orientations stratégiques (dans le cas où les élus demandent un rapport) : 15 jours avant la fin de la consultation ;
  • Concentration : Remise du rapport dans les 8 jours de la notification de la décision de l’autorité compétente.

La combinaison de ces deux délais peut contraindre fortement la mission de l’expert : ainsi dans le cas d’un PSE où l’expert fait un demande complémentaire d’informations et où le nombre de licenciement projeté est inférieur à 100 personnes, l’expert ne pourrait disposer que de 9 jours entre la date de remise limite des informations et le rendu de son rapport.

Des délais qui imposent aux élus et aux experts d’anticiper les missions d’assistances.

La voie de l’accord qui est la solution préférentielle du législateur permettra dans la pratique d’éviter des délais couperets. En amont, de la négociation sur les modalités de la consultation du comité d’entreprise, il sera utile que les élus soient en contact avec leurs experts, afin de bien maîtriser les délais et garantir une meilleure obtention de l’information utile.

En l’absence d’accord, la prise de contact du comité d’entreprise avec ses experts avant le début de la consultation est indispensable. La brièveté des délais pour faire la demande de documents, d’autan plus que, à l’exception de la consultation dans le cadre du PSE, il n’est pas prévu que l’expert puisse compléter une demande de documents initiale, imposer un contact préalable pour cibler a minima l’information nécessaires à une assistance de qualité.