A l’usine Goodyear Dunlop de Montluçon, qui emploie 650 salariés, la CGT et la CFDT ont signé un accord de rupture conventionnelle collective (RCC) qui devrait entraîner 70 départs volontaires, dont un tiers de jeunes salariés. David Guillaume, DSC CGT (64% des voix), explique avoir obtenu parallèlement l’abandon d’un projet de réorganisation interne.

A Montluçon, dans l’Allier, les 650 salariés en CDI et une centaine d’intérimaires de l’usine Dunlop produisent des pneus pour les camionnettes, pour les motos et scooters. C’est pour diminuer les coûts de production que la direction a négocié un accord de rupture conventionnelle collective (RCC), un projet ratifié fin avril par la CFDT (29% des voix) et par la CGT (64%) après sept séances de négociation, et que la direction régionale du travail est en train d’examiner en vue de sa validation. « Sur notre site, nos coûts de fabrication sont plus élevés mais nos marges plus importantes. Notre usine est très rentable. Mais nous sommes engagés dans une compétitivité interne avec les autres usines du groupe, et on ne peut pas ne pas en tenir compte », observe David Guillaume, délégué syndical central CGT.

La suppression d’une équipe a été supprimée

Si ce dernier a accepté de signer une RCC, en dépit de l’opposition de principe de son syndicat à cet outil créé par les ordonnances Macron, c’est au nom, dit-il, du « principe de réalité », et parce que cela permettrait, sur la seule base du volontariat, à environ 70 salariés (l’accord évoque la possibilité qu’il y en ait jusqu’à 88) de quitter l’entreprise à des conditions intéressantes, en évitant tout plan social contraignant (voir le projet d’accord en pièce jointe). Les salariés ont du 14 mai au 26 août 2018 pour manifester leur candidature à un départ volontaire (*).

Surtout, souligne le délégué, son syndicat a pesé pour que soit abandonnée l’autre négociation envisagée par la direction afin de revoir l’organisation du site en supprimant l’une des cinq équipes de production : « Ce projet aurait entraîné la suppression de 30 emplois supplémentaires, ce qui aurait considérablement alourdi la charge de travail ».

Un tiers de jeunes intéressés par le départ volontaire

Selon David Guillaume, 70 salariés devraient être candidats au départ dans le cadre de cette rupture collective. Deux tiers seraient des salariés proches de la retraite (58-59 ans). C’est logique : « un parcours retraite » cible cette catégorie dans l’accord, avec un congé retraite rémunéré à hauteur de 75% du salaire pendant de 15 mois. Mais un tiers des candidats pourraient être des jeunes, ayant parfois moins de 5 ans d’ancienneté, des jeunes intéressés par les conditions favorables faites afin de tenter de rebondir. L’accord comprend en effet une enveloppe globale de 240 000€ pour la formation (jusqu’à 14 000€ pour une formation « destinée à faciliter la mobilité externe »), et une indemnité s’ajoutant à l’indemnité conventionnelle (voir notre tableau), sans oublier un congé mobilité de 12 mois pouvant être allongé à 16 ou 21 mois (**).

L’indemnité « additionnelle de rupture conventionnelle collective » chez Dunlop
Moins de 5 ans d’ancienneté 5 000€
Entre 5 et 15 ans 20 000€
+ de 15 ans et jusqu’à 25 ans 30 000€
+ de 25 ans et jusqu’à 35 ans 35 000€
+ de 35 ans 30 000€
NB : ces primes s’ajoutent à l’indemnité conventionnelle, qui est de 3/10e de mois par année d’ancienneté pour les ouvriers.

« Une prime de 20 000€ à partir de 5 ans, avec une formation pour se lancer dans autre chose, ça fait réfléchir ceux qui sont entrés à l’usine en se disant qu’ils n’y feraient pas toute leur vie », dit le délégué, lui-même entré chez Dunlop en 1998 comme agent qualité, et qui est devenu délégué à l’occasion du plan social de 2001, avant d’être, depuis 2013, délégué syndical central. Et il faut ajouter à cela les indemnités en cas de création d’entreprise (10 000€ pour une auto-entreprise, 20 000€ pour une création ou une reprise).

Les gens sous-estiment l’impact des départs sur la charge de travail 

La RCC n’empêche pas les recrutements de se poursuivre mais le nombre d’emploi total sera plus faible. « Chez nous, les conditions de travail sont dures mais acceptables par rapport à ce qu’on voit ailleurs. Et le climat social s’est « arrangé » depuis que la direction a abandonné l’idée de vouloir supprimer une équipe. Mais les gens sous-estiment l’impact des départs sur la charge du travail pour ceux qui restent », observe lucidement David Guillaume. Satisfaire les salariés qui souhaitent partir avec des conditions favorables tout en n’oubliant pas l’intérêt de ceux qui vont devoir assumer la même production avec moins de personnel : c’est le dilemme posé aux syndicats par les plans de départs volontaires, les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou la rupture conventionnelle collective (RCC).

Signalons que le suivi de l’accord sera fait par la commission de validation (un représentant par syndicat et un représentant par direction) qui se réunira tous les 15 jours pendant la période de volontariat, puis une fois par mois, le texte prévoyant aussi que le comité d’établissement de Montluçon soit informé et consulté tous les deux mois pendant les six premiers mois (puis tous les 3 mois) suivant la signature de l’accord.

(*) Signalons qu’une clause de l’accord prévoit que la candidature au départ d’un salarié éligible à la RCC ne sera définitivement acceptée « qu’à la condition qu’un substitut dont le profil conviendrait pour pourvoir le poste puisse être trouvé et validé par la direction, et qui accepte une mobilité effective et sous réserve des seuils de départs pouvant intervenir par catégorie professionnelle ». Par ailleurs, l’accord pose comme critère de départage des candidatures, en cas d’égalité stricte d’ancienneté, la date de réception de la candidature, le salarié ayant déposé en premier sa candidature étant prioritaire.

(**) Le congé de mobilité est un dispositif permettant au salarié de s’engager dans « une démarche de mobilité » en lui proposant des mesures d’accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail au sein ou hors de l’entreprise. Il peut être proposé par toute entreprise d’au moins 300 salariés ayant conclu un accord collectif relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). L’article L.1237-18-2 du code du travail détermine les éléments qu’un accord collectif sur un congé mobilité doit comprendre.

Source – Actuel CE