Pour la cour d’appel de Paris, les dispositions du code du travail relatives à la protection des représentants du personnel doivent être écartées si le salarié est dépourvu d’autorisation de travail. Le fait que le titre de séjour soit renouvelable de plein droit est sans incidence si l’étranger est à l’origine de la rupture en raison de sa négligence.
 
Appliquant une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Cass. soc., 10 oct. 1990, n° 88-43.683 ; Cass. soc., 5 nov. 2009, n° 08-40.923), la cour d’appel de Paris rappelle, dans un arrêt du 29 janvier 2020, que la société qui licencie un salarié étranger dépourvu d’autorisation de travail à la date de la rupture de son contrat, n’a pas à appliquer les dispositions du code du travail protectrices des représentants du personnel. Une solution retenue alors même que le renouvellement du titre de séjour, que le salarié avait négligé de demander en temps et en heure, était de plein droit. Dans une décision du 13 avril 1988, le Conseil d’État avait déjà adopté une position similaire, en  estimant que l’étranger employé en violation des dispositions du code du travail propres à l’autorisation de travail se trouve « en dehors du champ d’application des dispositions […] relatives au licenciement des délégués du personnel » (CE, 13 avr. 1988, n° 74346).
 
La protection des représentants du personnel écartée en cas de situation irrégulière…
 
Délégué du personnel titulaire du comité d’hygiène et de sécurité (CHSCT), l’intéressé, ressortissant malien entré en France en 1972 et titulaire d’une carte de résident arrivée à expiration le 22 mars 2016, avait obtenu devant le conseil de prud’hommes des indemnités pour violation du statut protecteur et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Infirmant le jugement sur ces points, la cour d’appel de Paris constate d’abord qu’à la date à laquelle la société lui avait notifié la rupture de son contrat (le 11 juillet 2016), le salarié ne bénéficiait plus d’aucune autorisation de travail fondée sur l’article R. 5221-3 du code du travail. Constatant que le salarié se trouvait par conséquent en dehors du champ d’application des articles du même code relatifs aux salariés protégés (C. trav., art. L. 2411-1 et s.), la cour juge que la société n’avait pas à solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail pour le licencier.
Une solution qui fait écho à la position de la Cour de cassation, qui dans un arrêt du 5 novembre 2009, avait jugé « qu’il résulte des articles L. 8251-1 et L. 8252-2, 2° du code du travail que le délégué du personnel ou le délégué syndical qui ne dispose plus de titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France se trouve en dehors du champ d’application des dispositions des articles L. 2411-3 et L. 2411-5 du code du travail et que les dispositions de l’article L. 1234-5 du même code ne s’appliquent pas » (Cass. soc., 5 nov. 2009, n° 08-40.923). Remarque : dans le même sens, la Cour de cassation a pu écarter les dispositions relatives à la protection de la salariée enceinte en raison de sa situation irrégulière, faisant ainsi primer « les dispositions d’ordre public de l’article L. 8251-1 du code du travail » sur celles de l’article L. 1225-4 (Cass. soc., 15 mars 2017 n° 15-27.928).
 
… même dans l’hypothèse d’un titre de séjour renouvelable de plein droit
 
Devant la cour, en réponse aux arguments qui lui étaient opposés, le salarié, titulaire d’une carte de résident de dix ans dont le renouvellement est de plein droit (C. étrangers, art. L. 314-1), plaidait la mauvaise foi de son employeur. Or, si, pour la période allant du 26 mars au 22 juin 2016, la cour rappelle les dispositions de l’article L. 311-4 du Ceseda (qui prévoit que « dans la limite de trois mois à compter de [la date d’expiration du titre], l’étranger peut […] justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte ou du titre arrivé à expiration » et qu’il conserve, pendant « l’intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d’exercer une activité professionnelle »), elle renvoie, pour le reste, le salarié à sa négligence.
Ce dernier avait en effet omis de déposer sa demande de renouvellement en temps et en heure et se trouvait donc, de son fait, en situation irrégulière au moment de la notification de la rupture de son contrat de travail, le 11 juillet 2016.  Aussi, pour la cour, l’intéressé ne pouvait « arguer de la mauvaise foi de son employeur pour remettre en cause cette rupture, dès lors qu’il en est à l’origine en ayant négligé de prendre rendez-vous en temps utile pour faire renouveler son titre de séjour, peu important que ce renouvellement soit de droit ».
Reste à savoir ce que pourrait décider, sur cette affaire, la Cour de cassation. En 2001, la Haute Juridiction a pu rejeter le pourvoi d’un employeur ayant rompu le contrat de travail d’un salarié en situation irrégulière en lui reprochant sa « légèreté blâmable » (Cass. soc., 6 nov. 2001, n° 99-42.054). Il est vrai que le non renouvellement du titre de séjour du salarié était dû à une erreur de l’état civil algérien, et non à une négligence du salarié, et qu’une régularisation était en cours… 

Source – Actuel CE