Après huit années à la tête de l’UNSA, Luc Bérille cessera ses fonctions de secrétaire général la semaine prochaine à l’issue du septième congrès national du syndicat à Rennes. Le responsable syndical se félicite de laisser à son successeur, Laurent Escure, une organisation « apaisée », en capacité d’aborder tous les sujets de fonds : « Le congrès sera l’occasion de tout mettre sur la table et de débattre, y compris de la crise des gilets jaunes », a-t-il déclaré jeudi dernier devant la presse sociale (Ajis).

Du 2 au 4 avril prochain, se tiendra à Rennes le septième congrès national de l’UNSA. Laurent Escure (lire notre encadré ci-dessous), candidat unique à la succession de Luc Bérille, y sera élu secrétaire général du syndicat autonome. Les deux hommes étaient jeudi 21 mars à Paris les invités de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis). L’occasion d’afficher la serénité de la passation de pouvoir en cours et de détailler la position de leur organisation sur les principaux dossiers sociaux.L’UNSA progresse, mais demeure sous le seuil des 8% de représentativité

En préambule, l’actuel numéro 1 de l’UNSA s’est réjouit de laisser à Laurent Escure une organisation en phase d’ascension : « Ces huit dernières années, l’UNSA s’est affirmée dans le paysage social français, assure Luc Bérille. Elle est devenue un interlocuteur a part entière du gouvernement lors des consultations sur le travail. Mon bilan est aussi chiffré : notre syndicat a obtenu 285 500 voix au niveau national lors du dernier cycle des élections professionnelles en entreprise, soit 5,3% de représentativité. Ce score est en progression de 1,6% par rapport à la première mesure de la représentativité de 2013. Nous représentons un quart des salariés du privé au sein des branches professionnelles et nous sommes la quatrième organisation syndicale dans le public avec 11,2% de représentativité. Notre situation financière est également saine, avec pour 2018 un exercice comptable excédentaire de 1,8 million d’euros ». »La succession a été préparée à l’avance »

Luc Bérille, dont on connaît le tempérament réfléchi et l’expression soignée, promet également que le passage de témoin la semaine prochaine en Bretagne ne donnera lieu à aucun psychodrame : « La succession a été préparée à l’avance, indique-t-il, ce qui est normal à mon sens. Cela correspond à ma conception du syndicalisme, après deux mandats il y a besoin de renouvellement. Cela doit nous permettre de montrer qu’il y a des syndicats encore en capacité d’aborder les sujets de fond ». Alors que la crise des gilets jaunes secoue la France, les sujets à aborder ne manqueront justement pas : « La vie interne de l’organisation est apaisée, c’est donc plutôt une chance extraordinaire de tenir son congrès à ce moment-là, réagit Luc Bérille. Ce sera l’occasion de tout mettre sur la table et de débattre ». « On a inventé une nouvelle forme de syndicalisme, où la conduite ne vient pas d’une confédération centralisée, complète Laurent Escure, encore pour quelques jours secrétaire national chargé de l’action revendicative. On voit bien que cela correspond à l’air du temps. On a des créations de section chaque jour parce que cela correspond à l’attente des salariés. Mais l’autonomie, cela ne va pas sans le respect par nos équipes des valeurs fondamentales de l’UNSA, qui sont finalement les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité ».Représentativité : regrouper les résultats du privé et du public ?

Interrogé sur le rapprochement de l’UNSA, un temps évoqué, avec d’autres syndicats réformistes, Laurent Escure répond que le congrès de Rennes « ne sera pas un congrès de dissolution » et réaffirme la volonté de voir son organisation reconnue représentative au niveau national : « Nous avons choisi une voie réaliste dans nos relations avec la CFDT et la CFTC notamment. Sur tous les grands dossiers, les syndicats qui partagent la même vision du syndicalisme doivent travailler de manière plus rapprochée. Mais nous restons en concurrence sur le terrain, dans les entreprises. L’enjeu c’est de concilier ce besoin de travailler en commun avec des organisations par ailleurs concurrentes », résume-t-il.

S’agissant d’éventuels ajustement à apporter à la mesure de la représentativité syndicale, le futur secrétaire général de l’UNSA a déjà forgé son avis : « Il ne faut pas bousculer un équilibre de représentativité qui semble fonctionner. Mais nous défendons un cumul des représentativités entre les votes exprimés dans le privé et le public, ajoute Laurent Escure. Quand on ouvre les grands sujets des risques psychosociaux dans le monde du travail, les problématiques de troubles musculo-squelettiques sont les mêmes dans le public ou le privé. Cela aurait du sens pour les travailleurs, qu’ils soient dans le privé ou le public, d’être représentés plus largement. Et lorsque l’on réunit public et privé, notre organisation est à 7,19% de représentativité, autrement dit pas loin de la CFTC qui doit être à 7,40% ». Pour appuyer cet argument, le nouveau bureau de l’UNSA sera doublement paritaire : sept femmes et sept hommes, sept membres du privé, et sept du public. »Le Président a tort de penser que c’est parce que l’on a le pouvoir que l’on a raison »

Mais ces réflexions sur la représentativité nationale a-t-elle encore du sens, dans la mesure où Emmanuel Macron invite depuis le début de son quinquennat les syndicats à se concentrer sur les niveaux de l’entreprise et de la branche ? « On voit quand même un infléchissement depuis le début du mouvement des gilets jaunes, notamment via le grand débat, rétorque Laurent Escure. La question reste de savoir si l’on remet le syndicalisme au cœur de la gestion paritaire. Mais je suis persuadé que le syndicalisme survivra à la présidence d’Emmanuel Macron. Le contraire serait à mon sens une menace pour la démocratie. Le risque serait une résurgence forte des corporatismes ». « Le Président a tort de penser que c’est parce que l’on a le pouvoir que l’on a raison, met en garde Luc Bérille. Les accrocs de la première partie de son mandat en sont la preuve. On risque aussi de le voir à travers la reprise en main de l’assurance chômage par l’Etat. Je crois que le Président a un peu de mal à convaincre les citoyens français que le social est une question mineure. Il a le pouvoir, c’est indiscutable, mais la messe n’est pas encore dite sur ce point ».

Le parcours de Laurent Escure
Depuis mars 2018 : secrétaire national de l’UNSA chargé de l’action revendicative ;2012-2018 : secrétaire général de l’UNSA éducation et secrétaire général de l’UNSA fonction publique ;2007-2012 : secrétaire national du SE-UNSA et secrétaire général du comité national d’action laïque ;1999-2007 : responsable régional de l’UNSA éducation et de l’UNSA en Midi-Pyrénées ;1994-1999 : responsable associatif et chef de projet « Action santé » ;1988-1994 : responsable local et national de l’UNEF.

Source – Actuel CE