Le constat de la perte de la qualité d’établissement distinct conduit, de fait, à modifier le nombre et le périmètre des établissements distincts. Les dispositions applicables sont donc les mêmes, précise la Cour de cassation dans sa décision du 20 octobre 2021.
Dans cette affaire, à la suite d’une réorganisation de l’entreprise, l’employeur invite les organisations syndicales représentatives à négocier sur la perte de la qualité d’établissement distinct d’une « division ». Faute d’accord, il constate cette perte et le rattachement de ces salariés à un autre établissement par une décision unilatérale. Aucune organisation syndicale n’a formé de recours contre cette décision.
Cependant, sept salariés saisissent le tribunal d’instance (tribunal judiciaire) pour lui demander de suspendre les effets de la décision unilatérale, et d’ordonner l’organisation des élections sur le périmètre de la « division » de l’entreprise. Le tribunal les déboute au motif qu’il n’est habilité à se prononcer sur la décision unilatérale de l’employeur relative à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts que dans le cadre d’un recours formé à l’encontre de la décision de la Direccte (Dreets) saisie sur cette décision de l’employeur, conformément à l’article L. 2313-4 du code du travail.
► Remarque : rappelons, en effet, que la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts relève d’un accord d’entreprise signée par un délégué syndical (c’est seulement à défaut de DS qu’une négociation est possible avec le CSE). Si la tentative de négociation est absolument obligatoire (Cass. soc., 17 avr. 2019, n° 18-22.948), en l’absence d’accord, c’est l’employeur qui fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel. Les syndicats sont informés de cette décision unilatérale, ils ont alors 15 jours pour la contester devant le Dreets. Et c’est cette décision de l’autorité administrative qui peut ensuite être contestée devant le tribunal judiciaire, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux (C. trav., art. L. 2313-5, al. 2).
Les salariés contestent, au motif que leur demande concerne la suspension d’une décision unilatérale de l’employeur et non pas le nombre et le périmètre des établissements distincts. En d’autres termes, pour eux, ce contentieux ne relève pas des règles spécifiques applicables en matière de détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts.
Mais la Cour de cassation leur donne tort et valide l’analyse induite du tribunal : il s’agit bien du contentieux relatif au nombre et au périmètre des établissements distincts, les règles spécifiques du code du travail s’appliquent donc également en cas de décision unilatérale constatant la perte de la qualité d’établissement distinct. Après avoir rappelé les règles applicables en matière de détermination et de contestation du nombre et du périmètre des établissements distincts, la Cour de cassation explique que le constat de la perte de la qualité d’établissement distinct « relève des mêmes dispositions puisqu’il conduit à modifier le nombre et le périmètre des établissements distincts au niveau desquels les CSE sont mis en place dans les entreprises ».
La Cour en déduit que la « contestation de la décision unilatérale de l’employeur décidant de la perte de qualité d’établissement distinct n’est donc ouverte devant la Direccte qu’aux seules organisations syndicales, représentatives ou ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise, qui représentent les intérêts des salariés dans le cadre de la détermination des périmètres de mise en place des CSE ». Et d’en conclure que « les salariés n’étaient pas recevables à demander la suspension des effets de cette décision unilatérale et l’organisation d’élections sur le périmètre n’étant plus reconnu comme constituant un établissement distinct ».
En d’autres termes, la perte de la qualité d’établissement distinct constitue bien une décision relative au périmètre de mise en place des CSE, et obéit donc aux règles spécifiques de recours en la matière. Ainsi, si les syndicats ne contestent pas, les salariés ne peuvent se saisir du contentieux.