Au cours d’une réunion extraordinaire du 3 septembre 2021, le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail) de l’un des établissements de La Poste vote « une résolution permettant de recourir à un expert pour identifier et évaluer les risques psychosociaux des agents de l’établissement ». Sans attendre, la direction de La Poste décide de porter l’affaire en justice en vue d’obtenir du président du tribunal judiciaire l’annulation de cette résolution.
► Rappel : comme le CSE en a aujourd’hui le droit en application de l’article L. 2315-94 du code du travail, le CHSCT pouvait à l’époque des anciennes instances représentatives du personnel se faire assister par un expert en cas de risque grave identifié et actuel (ancien article L. 4614-12). Le passage du CHSCT au CSE n’ayant rien changé sur ce plan, cette jurisprudence conserve donc tout son intérêt pour le comité social et économique. |
Estimant que « l’existence d’un risque grave et actuel de souffrance au travail à la date de la désignation de l’expert n’était pas avérée », les juges accueillent favorablement la demande de La Poste.
Comme ils avaient pu le constater, les seuls documents produits de nature à caractériser une dégradation globale des conditions de travail remontaient à l’année 2010.
Ensuite, le CHSCT ne fournissait « aucun élément de nature à établir, à la date de la délibération litigieuse, l’existence d’un taux d’absentéisme élevé » et n’apportait pas davantage d’éléments « de nature à caractériser des faits de harcèlement moral ou de discrimination qui seraient imputables à la nouvelle organisation du travail mise en place par l’employeur ».
Au final : pas de preuve du risque grave, pas d’expertise pour risque grave !
Cette décision est à rapprocher d’une autre jurisprudence (Cass. soc., 14 nov. 2013, n° 12-15.206) : le comité qui se contente de faire état d’un risque général de stress lié aux diverses réorganisations mises en œuvre dans l’entreprise, sans justifier d’éléments objectifs susceptibles de caractériser un risque avéré, ne peut pas déclencher une expertise pour risque grave.
D’où la nécessité pour le CSE qui envisage une expertise de mettre sur la table un maximum de faits permettant de montrer qu’il existe bien un risque grave. Il faut des faits tangibles, qui devront être corroborés par les PV de réunion, des rapports d’inspection ou d’enquête du comité ou de la commission santé, sécurité et conditions de travail, les courriers du médecin du travail, les témoignages de salariés, des chiffres relatifs au nombre d’accidents du travail, au taux d’absentéisme, au turn-over, etc.