Le salarié qui dénonce une discrimination raciale à son encontre, alors qu’il sait que les faits relatés sont faux, agit de mauvaise foi et commet une faute grave justifiant son licenciement.

La lutte contre les discriminations de toutes sortes passe par la nécessité de protéger tant le salarié qui dénonce une discrimination que celui qui en témoigne. Tel est l’objet de l’article L. 1132-3 du code du travail, qui prévoit qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements discriminatoires définis aux articles L. 1132-1 et L. 1132-2 du code du travail ou pour les avoir relatés. Mais attention, cette protection a une limite : la mauvaise foi du salarié qui relate ou qui témoigne.

Le salarié s’estime victime de discrimination raciale

Par courrier du 27 février 2012, un ingénieur électronique au service d’une société d’ingénierie depuis presque 4 ans adresse au président du groupe et à son supérieur hiérarchique un courrier dénonçant des faits de discrimination raciale à son encontre de la part du directeur commercial. En parallèle, l’intéressé saisit le Défenseur des droits, lequel classera l’affaire le 22 décembre 2014. Lui reprochant d’avoir proféré des accusations dont il avait conscience du caractère fallacieux, l’employeur licencie le salarié pour faute grave le 22 mars 2012.
 
Plus d’une année et demi s’écoule avant que l’ancien ingénieur électronique ne décide, le 11 décembre 2014, de contester son licenciement devant les prud’hommes. La cour d’appel juge que ce licenciement reposait bien sur une faute grave et rejette l’intégralité des demandes de l’intéressé. Dans un arrêt du 13 janvier 2021, la Cour de cassation confirme.
Si aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné d’agissements discriminatoires prohibés par les articles L. 1132-1 et L. 1132-2 du code du travail (article L. 1132-3) ou pour les avoir relatés, encore faut-il qu’il soit resté de bonne foi.
 
Ainsi, comme en matière de harcèlement sexuel ou moral, il est jugé que « le salarié qui relate des faits de discrimination ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ».
 
► Celui qui relate des faits de harcèlement, ou qui en témoigne, est protégé de la même manière (articles L. 1152-2 pour le harcèlement moral et L. 1153-3 pour le harcèlement sexuel), à la condition d’être de bonne foi. S’il a agi en étant de mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par l’intéressé de la fausseté des faits dénoncés, il perd le bénéfice de la protection (Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-25.554). Par exemple, la mauvaise foi a été admise à l’encontre d’un salarié qui avait dénoncé de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l’entreprise et de se débarrasser de son supérieur hiérarchique (Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-28.345).
 

Le salarié était de mauvaise foi

Dans notre affaire, plusieurs indices ont permis au juge d’arriver à la conclusion fatidique « que le salarié connaissait la fausseté des faits allégués de discrimination en raison de son origine », donc qu’il était de mauvaise foi et que son licenciement pour faute grave était pleinement justifié. D’abord, « l’employeur démontrait que plusieurs propositions de missions avaient été faites au salarié qui se trouvait en inter-contrat » et que le celui-ci, tout en refusant une mission en février 2012, avait allégué pour la première fois auprès du Défenseur des droits et de ses supérieurs hiérarchiques une situation de discrimination en raison de ses origines. A cela, s’ajoutait le fait que l’allégation avait été effectuée « en des termes très généraux sans invoquer de faits circonstanciés » et que le salarié était, dès le mois de décembre 2011, déterminé à quitter l’entreprise, son désengagement professionnel durant la période d’inter-contrat montrant sa volonté d’obtenir une rupture conventionnelle … en cherchant à imposer ses conditions financières ». Enfin, « aucune alerte n’avait été faite durant la relation de travail auprès des délégués du personnel, de la médecine du travail ou de l’inspection du travail ».

Source : Actuel-CE