La centralisation, au niveau du siège d’une association, du pouvoir de décision pour le recrutement du personnel, le pouvoir disciplinaire et la gestion budgétaire s’oppose, faute d’autonomie de gestion suffisante des responsables d’établissement, à la reconnaissance d’établissements distincts.
Tel que modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017 instituant le CSE, le code du travail prévoit désormais que la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts peut se faire par accord d’entreprise négocié avec les syndicats ou, en l’absence de délégué syndical, par accord directement négocié avec les élus du CSE (articles L. 2313-2 et L. 2313-3). En l’absence d’accord, c’est l’employeur qui décide en tenant compte de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel (article L. 2313-4). Attention toutefois ! Avant de pouvoir prendre une décision unilatérale, l’employeur doit essayer de négocier loyalement avec les organisations syndicales (Cass. soc., 17 avr. 2019, n° 18-22.948). Les partenaires sociaux ont toute liberté pour déterminer les critères à utiliser pour caractériser les établissements distincts. Rien ne les oblige à s’en tenir à l’autonomie de gestion, qui n’est qu’un critère supplétif.
Le découpage, un enjeu de taille
Reste à savoir, lorsque la décision est prise par l’employeur, ce qu’il faut entendre par « autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel ». D’après la jurisprudence, un établissement distinct est celui qui présente, notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence données à son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service (Cass. soc., 19 déc. 2018, n° 18-23.655). Sur ce sujet, il faut en avoir conscience, le découpage de l’entreprise en établissements distincts, au sein desquels l’employeur devra mettre en place des CSE d’établissement, représente un enjeu de taille pour les syndicats, les élus du personnel et les salariés. Il faut essayer de maintenir une proximité avec le personnel et éviter une centralisation excessive de la représentation du personnel. Tout est donc fonction des délégations de compétence donnée au responsable. Illustration avec un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 27 janvier 2021.
La direction veut un CSE unique
A l’occasion de la mise en place du comité social et économique, la direction d’une association d’aide aux personnes handicapées, qui gère 12 établissements sur 10 sites et qui emploie 365 salariés, décide de se doter d’un CSE unique. En désaccord avec cette décision, deux organisations syndicales contestent et saisissent la Direccte. En vain puisque l’administration confirme le choix opéré par l’employeur de n’avoir qu’un seul CSE.
Il est alors demandé au tribunal d’instance d’annuler la décision de la Direccte et de fixer « le nombre et le périmètre des établissements distincts à douze, eu égard à l’autonomie de gestion des responsables d’établissements ».
Là encore, le tribunal d’instance confirme la décision de la Direccte et rejette la demande de découpage de l’association en établissements distincts.
Saisie d’un pourvoi, ultime recours possible, la Cour de cassation confirme le jugement du tribunal d’instance et, au final, la décision de l’employeur de ne mettre en place qu’un seul CSE couvrant tout le périmètre de l’association.
Le constat de décisions toutes prises au niveau central
Comme l’avaient constaté les juges, il revenait au siège de procéder au recrutement des cadres, de déterminer les effectifs des établissements, de valider les sanctions disciplinaires, de signer les lettres de licenciement, d’examine et de valider les propositions salariales, de contrôler les dossiers du personnel, les contrats et les congés en application de la convention collective et, enfin, d’examiner et de valider les propositions de budget de fonctionnement et les propositions d’investissement. Ainsi, qu’il s’agisse du recrutement du personnel, du pouvoir disciplinaire et de la gestion budgétaire, le pouvoir décisionnaire était exercé par « la direction générale directement ou en application de règles qu’elle a mises en place et dont elle surveille la bonne mise en œuvre par les établissements ». Et les juges d’en conclure que les délégations de compétences données aux responsables d’établissement étaient trop limitées pour caractériser à leur profit « une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et d’exécution du service ».
Un petit bémol pour finir : on a vu récemment qu’une centralisation de fonctions support et l’existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure l’autonomie de gestion des responsables d’établissement, et donc l’existence d’établissements distincts (
Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 19-17.298).