Par un décision du 20 mars 2013, le Conseil d’Etat invalide la position de l’administration fiscale selon laquelle l’impôt à retenir pour le calcul de la réserve spéciale de participation doit être minoré du montant des crédits d’impôt, notamment du crédit d’impôt recherche.

Rappelons que l’article L 3322-1 du Code du travail impose aux entreprises remplissant certaines conditions de constituer une réserve spéciale de participation.

Dans les accords de droit commun, la formule de calcul de la participation est la suivante :

Réserve spéciale de participation = 1/2 (B – 5 % C) * (S/VA)

B = Bénéfice net de l’exercice, déduction faite de l’impôt correspondant

C = Capitaux propres de l’entreprise

S = Salaires de l’entreprise

VA = Valeur ajoutée de l’entreprise

D’après le Code du travail, le bénéfice net corresponde au bénéfice fiscal, déduction faite de l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu correspondant (C trav art L 3324-1). La doctrine administrative a commenté les divers éléments à prendre en considération pour le calcul de la réserve spéciale de participation et a notamment précisé les modalités de détermination du bénéfice net. Selon elle, l’impôt sur les sociétés à déduire du bénéfice fiscal doit être diminué de l’ensemble des crédits ou avoirs fiscaux afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable.

Toutefois, une récente décision du Conseil d’Etat en date du 20 mars 2013 (CE, 20 mars 2013, n°347633) a remis en cause cette position en considérant que les crédits d’impôt ne devraient pas être pris en compte pour déterminer le montant de l’impôt sur les sociétés retenu pour le calcul de la participation des salariés.

Bien que les faits de l’espèce portent sur le crédit d’impôt recherche, il est très probable qu’eu égard aux termes généraux employés par le Conseil d’Etat, ladite décision s’applique à l’ensemble des crédits d’impôts, dont notamment le crédit d’impôt pour les compétitivité et l’emploi.

> La notion de « bénéfice net » d’après la doctrine administrative

Tel qu’indiqué supra, l’article L 3324-1 du Code du travail dispose, sans aucune autre précision, que le bénéfice net est égal au bénéfice correspondant.

Usant de son pouvoir d’interprétation l’administration fiscale a pris la position de diminuer le montant d’impôt sur les sociétés à imputer sur le bénéfice fiscal à hauteur des crédits d’impôt dont une société pouvait bénéficier. La doctrine administrative indiquait ainsi que « l’impôt sur les sociétés retenu pour le calcul de la réserve s’entend […] après imputation de tous crédits ou avoirs fiscaux afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable au taux de droit commun » (doc. adm. 4N-1121, 30 août 1997, n°39).

Dans le même sens, une récente décision de rescrit en date du 13 avril 2010, relative au crédit d’impôt recherche (Res. n°2010-23, 13 avril 2010) a précisé que « l’impôt venant en déduction du bénéfice retenu pour le calcul de la participation s’entend donc de l’impôt minoré du montant du crédit d’impôt rechercher imputé sur cet impôt, ainsi que, le cas échéant, du montant de ce crédit d’impôt remboursé. »

Cette position a été reprises dans la nouvelle base BOFiP-Impôt dans laquelle l’administration fiscale indique que « l’impôt sur les sociétés retenu pour le calcul de la participation s’entend après imputation de tous les crédits et réductions d’impôts afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable aux taux de droit commun » (BOI-BIC-PTP-10-10-20-10 n°200, mise à jour le 15 mars 2013).

Exemple chiffré : d’après la position de l’administration fiscale

Une entreprise a :

  • un bénéfice imposable de 900 ;
  • un impôt sur les sociétés correspondant de 300 ;
  • engagé des dépenses ouvrant droit à un crédit d’impôt de 200.

Son bénéfice net est alors égal à 800 soit (900 – [300-200])

Les crédit d’impôt réduisent donc le montant d’impôt sur les sociétés à imputer sur le bénéfices fiscal.

En pratique, la position de l’administration fiscale a donc pou effet d’augmenter le montant de participation à verser par la société.

> Remise en cause de la position de l’administration fiscale

Par une décision en date du 20 mars 2013, le Conseil d’Etat a considéré que la doctrine administrative à jour à l’époque des faits (c’est à dire la documentation de base ; doc. adm. 4N-1121, 30 août 1997, n°39 et le rescrit du 13 avril 2010 ; Res. n°2010-23, 13 avril 2010) était allée au delà d’une simple interprétation de la loi.

En effet, selon le Conseil d’Etat, pour l’application de l’article L 3324-1 du Code du travail, l’impôt correspondant au bénéfice que l’entreprise a réalisé au cours d’un exercice déterminé, qui doit être retranché de ce bénéfice, ne peut s’entendre que de l’impôt sur les sociétés, aux taux de droit commun. Ainsi, dans le cas où l’entreprise bénéficie de crédit d’impôt imputable sur le montant de cet impôt, il n’y a pas lieu de tenir compte du montant de ces crédits d’impôt. Dès lors, le paragraphe de la documentation administrative, qui indique que l’impôt sur les sociétés pris en comptes pour le calcul de la participation doit être minoré du montant des crédits d’impôt, a été considéré par le Conseil d’Etat comme ajoutant à la loi : « en énonçant que l’impôt à retenir pour le calcul de la réserve spéciale de participation devait être minoré du montant des crédit d’impôt, notamment du crédit d’impôt recherche […] la documentation administrative […] et la décision de rescrit du 13 avril 2010 de se sont pas bornées à interpréter les articles précités du Code du travail, mais ont fixé des règles nouvelles non prévues par la loi ; que les énonciations contestées de ces actes sont, par suite, entachées d’incompétences ».

Exemple chiffré : d’après la décision du Conseil d’Etat

Une entreprise a :

  • une bénéfice imposable de 900 ;
  • un IS correspondant de 300 ;
  • engagé des dépenses ouvrant droit à un crédit s’impôt de 200.

Son bénéfice net est égale à 600, soit (900 – 300).

Le Conseil d’Etat retient une interprétation stricte des dispositions légales.

Selon la Haute juridiction, l’impôt sur les sociétés à déduire du bénéfice fiscal pour le calcul de la réserve spéciale de participation s’entend de l’impôt sur les sociétés aux taux de droit commun, avant imputation des crédits d’impôt (dont notamment le crédit d’impôt recherche).

En pratique, cette solution a pour effet d’éviter que les crédits d’impôt augmenter artificiellement le montant du bénéfice net et, par suite, le montant de la participation.