Vaste thématique que la surveillance de l’activité des salariés dans l’entreprise. En effet, elle peut se matérialiser sous des formes très diverses et soulever de nombreuses questions quant à sa légalité, ce qui en fait l’objet d’une jurisprudence nourrie. Le Conseil d’Etat est venu apporter sa pierre à l’édifice.

Mise en place d’un contrôle de l’activité des salariés : rappel des règles applicables

L’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, a tout à fait le droit de contrôler l’activité de ses salariés durant leur temps de travail.

Il peut pour cela utiliser des caméras de vidéosurveillance, des logiciels de collecte de données, des véhicules géolocalisés, etc.

Cependant, la mise en place de ces contrôles ainsi que leur réalisation effective sont soumises à des règles strictes.

L’article L. 1222-4 du Code du travail prévoit qu’« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ».

C’est sur cette base que s’est construite une abondante jurisprudence. Les juges ont dégagé des principes directeurs, notamment :

  • les dispositifs de collecte doivent être portés à la connaissance des salariés, et cela même si le salarié ne pouvait ignorer leur présence ;
  • les dispositifs ne doivent pas être clandestins ;
  • les dispositifs ne doivent pas porter une atteinte injustifiée à la vie privée des salariés ;
  • les salariés doivent pouvoir avoir accès aux données les concernant dans le cadre du RGPD ;
  • les salariés doivent avoir été informés de la finalité des informations recueillies.

Ainsi, par exemple, une entreprise ne peut faire appel, à l’insu de son personnel, à une société de surveillance extérieure pour procéder au contrôle de l’utilisation par ses salariés des distributeurs de boissons et sandwichs (cass. soc., 15 mai 2001, n° 99-42.219).

A contrario, il a été jugé que :

  • le système de vidéosurveillance qui n’enregistre pas l’activité des salariés affectés à un poste de travail déterminé peut être retenu comme moyen de preuve de la participation personnelle d’un salarié à des détournements de marchandises (cass. soc., 31 janvier 2001, n° 98-44.290) ;
  • le simple vérification des relevés de la durée, du coût et des numéros des appels téléphoniques passés à partir de chaque poste édités au moyen de l’autocommutateur téléphonique de l’entreprise ne constitue pas un procédé de surveillance illicite pour n’avoir pas été préalablement porté à la connaissance des salariés (cass. soc., 29 janvier 2008, n° 06-45.814).

Obligation supplémentaire pesant sur l’employeur, ce dernier se trouve dans la nécessité de consulter le comité social et économique sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. Cette information-consultation doit s’opérer préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, il s’agit de dispositions d’ordre public (art. L. 2312-37 et L. 2312-38 du Code du travail).

Mise en place d’un contrôle de l’activité des salariés : le cas du service de contrôle interne

Par un arrêt en date du 13 juillet 2020, n° 417972, le Conseil d’Etat s’est positionné concernant la valeur de la preuve apportée par un service interne de contrôle de l’activité des salariés.

En l’espèce, un chirurgien-dentiste engagé par la caisse primaire d’assurance maladie se voit reprocher des facturations d’actes abusives.

Etant salarié protégé, son employeur a demandé à l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier. Mais ce dernier refuse de lui accorder cette autorisation en arguant que l’activité du salarié avait fait l’objet d’un contrôle irrégulier, notamment au regard des obligations en la matière édictées par le Code du travail.

La CPAM forme alors un recours hiérarchique auprès de la ministre du travail, qui est implicitement rejeté.

Saisi, le tribunal administratif annule ces deux décisions, puis la cour administrative d’appel rejette le pourvoi engagé par le salarié contre ce jugement.

Pour le Conseil d’Etat, la cour administrative d’appel n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de droit. A ce titre, elle a justement jugé que « le contrôle de l’activité d’un salarié, au temps et au lieu de travail, par un service interne de l’entreprise chargé de cette mission ne constitue pas, en soi, même en l’absence d’information préalable du salarié en application de l’article L. 1222-4 du code du travail et du comité d’entreprise en application de l’article L. 2323-32 (L. 2312-37 nouveau du Code du travail) du même code, un mode de preuve illicite ».

La Haute juridiction ajoute « que l’administration n’avait pu légalement se fonder sur la méconnaissance de ces dispositions pour estimer que le contrôle de la facturation du salarié était irrégulier et refuser de délivrer pour ce motif l’autorisation de licenciement sollicitée ».

En se positionnant de la sorte, le Conseil d’Etat conserve l’approche de la Cour de cassation qui avait considéré en son temps que « le contrôle de l’activité d’un salarié, au temps et au lieu de travail, par un service interne à l’entreprise chargé de cette mission ne constitue pas, en soi, même en l’absence d’information préalable du salarié, un mode de preuve illicite » (cass. soc., 5 novembre 2014, n° 13-18.427).

Notez-le
L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat interroge sur place du CSE dans la mise en place de ce type de contrôle.
A notre sens, cet arrêt créé une incertitude juridique quant à la lecture de l’article L. 2312-38 du Code du travail (ancien article L. 2323-32 applicable au comité d’entreprise), qui impose à l’employeur d’informer et de consulter le CSE avant toute mise en œuvre de moyen de contrôle de l’activité des salariés. Mais cela semble limité aux services internes spécialement dédiés à ces questions.
Pour autant, le CSE doit s’impliquer sur ces thématiques avant, pendant et après la mise en place afin de s’assurer qu’elles ne sont pas en contradiction avec les droits des salariés et qu’elles n’emportent pas d’effet délétères sur leurs conditions de travail.


Conseil d’État, 4e chambre, 13 juillet 2020, n° 417972 (le contrôle de l’activité d’un salarié, au temps et au lieu de travail, par un service interne de l’entreprise chargé de cette mission ne constitue pas, en soi, même en l’absence d’information préalable du salarié et du comité d’entreprise un mode de preuve illicite)

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