Cass. sec. 14–ll-2019 no 18-21.723 FS-PB, Sté Chubb France c/ Comité d’entreprise de la secrète Chubb France
Un comité de groupe doit être mis en place même si la société dominante établie en France est contrôlée par des sociétés étrangères et même s’il s’agit d’une société de participation, dès lors qu’elle s’immisce dans la gestion de ses filiales.
La société mère doit être établie en France…
1 Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle (C. trav. art. L 2551-1). Toutefois, ne sont pas considérées comme entreprises dominantes les entreprises de participation financière mentionnées à l’article 5, paragraphe 5, a et c du règlement CE 159/2004 du 20 janvier 2004 sur les concentrations (C. trav.art. L 2551-4).
Mais qu’en est-il lorsqu’une société mère française est, elle-même, contrôlée par des sociétés établies à l’étranger ? Cette circonstance exclut-elle la mise en place d’un comité de groupe regroupant les sociétés établies en France ?
Par ailleurs, les entreprises de participation financière peuvent-elles, dans certaines circonstances, perdre le bénéfice de l’exclusion du champ des entreprises dominantes ?
C’est à ces deux questions que répond la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 14 novembre 2019.
…peu important qu’elle soit contrôlée par des sociétés étrangères…
2 Sur le premier point, la chambre sociale approuve la cour d’appel d’avoir jugé que le contrôle de la société dominante ayant son siège social en France par une ou plusieurs (deux en l’occurrence) sociétés établies à l’étranger n’empêchait pas la constitution d’un comité de groupe réunissant cette société et les entreprises qu’elle contrôle.
A NOTRE AVIS La solution contraire, soutenue par l’employeur aurait eu pour effet de limiter considérablement la possibilité de constituer un comité de groupe dans des groupes internationaux dans l’ensemble de l’entités qui le composent relèvent d’une société mère commune établie hors de France. Les représentants du personnel des filiales situées en France n’auraient eu alors aucun droit de regard sur la société dominante en France et sur les autres entreprises qu’elle contrôle, alors que le devenir desdites filiales en dépend.
Au surplus, une telle solution serait contraire à la territorialité de la loi, qui oblige à tenir compte de la situation existant en France, quels que soient les rapports unissant la société dominante à des entités étrangères., afin que soit assurée utilement la défense des intérêts des salariés des sociétés dominées.
Cette situation est différente de celle dont a eu a connaitre la chambre sociale dans un précédent arrêt qui avait jugé facultative la constitution d’un comité de groupe a l’intérieur d’un groupe entrant dans les prévisions de l’article L 2331-1 du code du travail entre les entités formant un sous-groupe (Cass. soc 4-12-2007 no 6-11-206 FS-PB : RJS 2/08 no 198). En effet, dans la présente espèce, ;la demande de mise en place du comité de groupe était dirigée contre la seule entreprise dominante ayant son siège en France.
…ou qu’il s’agisse d’une société holding si elle s’immisce dans la gestion des filiales…
3 La notion de société de participation financière, exclue du champ d’application de l’article L 2551-1 du Code du travail en tant qu’entreprise dominante, renvoie aux définitions qu’en donnent les points a et c du § 5 de l’article 5 du règlement CE 159/2004 du 20 janvier 2004.
4 Ces deux dispositions subordonnent la qualification de société de participation financière à l’absence d’intervention de la société dans le fonctionnement des sociétés dans lesquelles elle détient des participations.
Le c renvoie ainsi à la directive 78/óó0/CE du 25 juillet 1978, qui donne une définition de la société de participation financière en énonçant qu’elle doit avoir pour objet unique la prise de participation dans d’autres entreprises et la gestion et la mise en valeur de ces participations, sans s’immiscer directement ou indirectement dans la gestion de ces autres entreprises.
Or, dans cette affaire, la cour d’’appel avait relevé un ensemble de faits qui établissaient que la société holding, située en France, était intervenue dans la gestion de ses 17 filiales françaises ayant le même dirigeant qu’elle, qu’elle s’était ainsi prononcée sur des projets d’acquisition ou de vente de parts, de création de nouvelles filiales et sur des opérations de concentration en vue de la mise en place de pôles d’activités entre les filiales. Ces constatations étaient de nature à démontrer que la société holding ne s’était pas limitée à prendre et valoriser des participations dans le capital de ses filiales, mais qu’elle s’était également immiscée dans leur gestion. Elle ne pouvait ainsi prétendre à la qualification de société de participation financière.
A NOTRE AVIS On retiendra de cet arrêt que, dès lors qu’une société holding se mêle de la gestion d’une ou de plusieurs de ses filiales, elle ne constitue pas une société de participation financière et ne peur denier sa qualité de société dominante au sens de l’article L2331-1 du Code du travail pour se soustraire ainsi à la constitution d’un comité de groupe .
L – II-43770 s. MS no 9800
LA DECISION
Aux termes de l’article l. 255l-1 du Code du travail, un comité de groupe doit être constitué au sein du groupe fermé par une entreprise dominante dent le siège social est situé sur le territoire français et les entreprises qu’elle contrôle, peu important que l’entreprise dominante établie en France soit elle-même contrôlée par une au plusieurs sociétés domiciliées à l’étranger.
Si l’article L 2551-4 du Code du travail exclut notamment de la qualification d’entreprises dominantes les sociétés de participation financière visées par le règlement CE l59/2004 du 20 janvier 2004 sur le concentrations, c’est à la condition que les droits de vote attachés aux participations détenue ne soient exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dont elles détiennent des participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et non pour déterminer directement ou indirectement le comportement concurrentiel de ces entreprises, c’est-à-dire à la condition, précisée par la directive 78/660/CEE, à laquelle renvoie le règlement précité, que la société de participation financière ne s’immisce pas directement en indirectement dans la gestion des entreprises filiales.
Casa. sec. 14-ll-2019 no 18-21.723 FS-PB, Sté Chubb France c/Comité d’entreprise de la société Chubb France