Si en principe le salarié ne doit pas se connecter à internet pour des raisons privées, en pratique une sanction – et surtout un licenciement – n’est envisageable que lorsque ces connexions deviennent déraisonnables. Pour rappel, l’employeur peut contrôler les connexions internet de ses salariés. En effet, lorsque ces connexions sont effectuées sur le temps de travail, via l’ordinateur mis à disposition par l’entreprise, elles sont présumées avoir un caractère professionnel.
Lorsque l’usage privé d’internet devient abusif, un licenciement peut être justifié. Une ligne rouge que la Cour de cassation s’emploie à définir à travers sa jurisprudence. Deux nouveaux arrêts en la matière ont été rendus par la chambre sociale le 3 octobre 2018.
Dans le premier arrêt, un technicien informatique est licencié pour faute grave. Son employeur lui reproche son nombre impressionnant de connexions à des sites internet à caractère pornographique, effectuées depuis son ordinateur professionnel : un constat d’huissier fait apparaître 800 connexions en un mois, dont 200 sur la dernière semaine.
Selon la cour d’appel, ce licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le téléchargement de fichiers pornographiques ainsi que leur stockage sur un disque dur appartenant au salarié ne constituent pas en tant que tels une faute du salarié. L’employeur ne démontre pas que les consultations et les téléchargements de données pornographiques étaient intervenus exclusivement pendant les heures de service du salarié. Il ne prouvait pas non plus que ces agissements avaient eu une incidence sur l’activité professionnelle du salarié ou sur la sécurité du réseau.
La Cour de cassation se montre plus stricte face au comportement du salarié. Selon elle, les constats opérés par l’employeur étaient suffisants pour licencier le salarié. Le nombre conséquent de connexions du salarié à des sites pornographiques depuis un ordinateur mis à sa disposition par son employeur et strictement affecté à un usage professionnel justifiait le licenciement, de même que le stockage de ces données sur un disque dur externe lui appartenant, rapporté et utilisé sur son lieu de travail.
Dans le second arrêt, il est encore une fois question des nombreuses connexions d’un salarié sur des sites pour adultes. Le salarié, qui ne contestait pas que ces connexions aient été réalisées à partir de son ordinateur professionnel, niait toutefois en être l’auteur. Dans cette entreprise, les codes d’accès informatique de chaque salarié étaient constitués de leurs initiales, de sorte que tous les mots de passe pouvaient être connus par tous les salariés de l’entreprise. De plus, il était notoire que les doubles des clés de l’ensemble des bureaux étaient accessibles dans une pièce qui n’était pas fermée à clef. Dans l’absolu, n’importe qui aurait donc pu effectuer ces connexions. L’entreprise réfutait cet argumentaire, qui, selon elle, ne pouvait expliquer comment des collègues du salarié aurait pu passer sept heures de connexions personnelles sur son ordinateur.
La Cour de cassation donne pourtant raison au salarié. L’employeur ne produit aucun élément permettant de s’assurer que le salarié était réellement l’auteur des connexions. Résultat : non seulement le licenciement opéré ne repose pas sur une faute grave, mais il est également dépourvu de cause réelle et sérieuse, puisque « l’imputabilité des faits reprochés au salarié n’était pas établie ».
Source – Actuel CE