En tant que membre du CSE ou délégué syndical, vous bénéficiez comme tout salarié d’un droit d’expression au sein de l’entreprise. Comment cette liberté s’applique-t-elle dans le cadre des réunions avec votre direction ? Pouvez-vous être sanctionné pour des propos tenus au cours de ces séances ? Voici les erreurs à éviter…
A partir du 1er janvier 2020, le CE, CHSCT et les DP n’existeront plus, ils ont été remplacés par le comité social et économique (CSE) qui regroupe les différents représentants du personnel dans l’entreprise. Il fusionne les délégués du personnel (DP), comité d’entreprise (CE) et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). CSE = CE + CHSCT + DP |
Rappelons que les salariés bénéficient d’un droit d’expression direct et collectif sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail (1). Toute restriction doit donc être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
✔ Qu’il soit titulaire, suppléant ou représentant syndical, tout membre du CSE (Comité social et économique) doit pouvoir s’exprimer.
1. Oublier que cette liberté s’exerce collectivement
La plus grande liberté d’expression doit pouvoir régner en réunion CSE. Ce principe ne connaît pas d’exception : l’employeur qui y pose des limites peut se voir reprocher le délit d’entrave.
Toutefois, l’employeur ou son représentant, en tant que président de séance, doit assurer le bon ordre des débats et veiller à ce que certains ne monopolisent pas le temps imparti. Tout le monde a le droit d’être entendu et doit pouvoir s’exprimer librement.
Les représentants syndicaux au CSE, n’ayant qu’une voix « consultative », n’ont pas le droit de prendre part au vote mais ils peuvent tout de même manifester librement leurs opinions pendant les réunions du CSE.
La salle de réunion n’étant pas un lieu public, la législation sur les diffamations publiques n’y est pas applicable.
2. Croire que l’on ne peut pas être sanctionné
✔ Les propos injurieux peuvent justifier un licenciement du représentant du personnel et l’engagement de sa responsabilité civile (dommages-intérêts) (2).
Le représentant du personnel est un salarié de l’entreprise, restant soumis au pouvoir disciplinaire de son employeur, et peut donc faire l’objet d’une sanction en cas de comportement fautif.
Tant que le représentant du personnel reste dans les limites de sa mission, il ne peut pas faire l’objet d’une sanction car il n’est plus sous la subordination de l’employeur pendant l’exercice du mandat.
La situation est différente en cas d’exercice irrégulier, voire abusif, du mandat.
Les juges font la distinction entre :
- une simple irrégularité commise dans le cadre de l’exercice normal des activités représentatives ou syndicales n’autorisant pas le prononcé d’une sanction disciplinaire ;
- et un abus de prérogative de la part du représentant du personnel justifiant une sanction disciplinaire. L’employeur devra prouver non seulement la faute, mais aussi l’existence d’un abus suffisamment important pour justifier une sanction disciplinaire (3).
Votre employeur envisage de licencier un salarié protégé (représentant du personnel) ? Sachez qu’en tant que membre du CSE, vous devez être consulté sur ce projet et vous pouvez donner votre avis, que l’employeur pourra suivre ou non.
3. Employer un langage grossier
Les juges ont déjà considéré qu’un délégué du personnel qui, au cours d’une réunion mensuelle avec la direction, s’est opposé de manière assez vive à l’employeur en s’étant levé et en ayant jeté des documents sur la table après les avoir brandis ne pouvait être sanctionné.
Attention toutefois aux écarts de langage en réunion du CSE. Des propos injurieux à l’égard de l’employeur pourraient justifier l’octroi d’une autorisation de licenciement par l’inspecteur du travail (4).
Dans cette affaire, le comportement injurieux du représentant du personnel n’a cependant pas été estimé comme relevant de la faute grave. Le salarié en cause, secrétaire du comité, avait tenu envers le président de l’instance des propos outranciers et irrespectueux, utilisant des jurons.
Pour sa défense, il revendiquait notamment « la banalisation de ce genre d’expressions et de langage » propres à son milieu professionnel.
? L’injure peut donner lieu à sanction disciplinaire mais également à une amende (5).
4. Croire que l’on peut divulguer toute information portée à notre connaissance
Les représentants du personnel sont soumis à une obligation de discrétion concernant certaines informations. Ainsi, en tant que représentant du personnel, vous devez impérativement rester discret quant aux informations confidentielles et présentées comme telles par l’employeur (6). Vous pouvez en effet être sanctionné pour avoir révélé de tels éléments et ceci peut même conduire à votre licenciement.
Vous êtes également tenu au secret professionnel, vous interdisant ainsi de révéler toute information sur les secrets de fabrication.
⚠ Veillez donc à être vigilant quant aux propos que vous tenez au cours des réunions avec votre direction, avec les salariés ou dans n’importe quelle situation. |
Faites également attention à ne pas révéler d’élément portant atteinte à la vie privée d’un salarié, d’un membre de la direction ou de n’importe quelle personne appartenant à l’entreprise. En effet, vous pourriez être condamné à réparer le préjudice subi par la victime d’atteinte à sa vie privée (dommages-intérêts par exemple) (7) et même, dans certains cas, être condamné à une peine d’emprisonnement et d’amende (8).
A retenir : En tant que représentant du personnel, vous avez une liberté d’expression très étendue. Cependant, comme toute liberté, vous ne devez pas en abuser et vous devez respecter certaines règles au risque de vous faire sanctionner. |
Références :
(2) Cass. civ. 2e ch. 1er avril 1974, n°73-10673
(3) Cass. Crim. 25 mai 1982, n°81-93443
(4) Cass. Soc. 27 février 2013, n°11-27474(5) Article R621-2 du Code pénal(6) Article L2315-3 du Code du travail(7) Article 9 du Code civil(8) Article 226-1 du Code pénal
Lexique :
CSE = Comité Social et Economique
Source – JuriTravail