Depuis la fusion des délégués du personnel (DP) dans le comité social et économique (CSE), le registre des DP des entreprises de plus de 49 salariés n’a plus d’existence légale. Les élus inventent des solutions pour maintenir un certain formalisme.
Les ordonnances Travail de septembre 2017 ont conservé au CSE les missions des anciens délégués du personnel (DP), à savoir la présentation à l’employeur des réclamations individuelles et collectives. Elles décrivent également le circuit des réclamations dans les entreprises de 11 à 49 salariés mais ne disent rien pour celles d’au moins 50 salariés (lire notre encadré en fin d’article).
Conscients de ce vide, les élus de certaines entreprises tentent néanmoins de maintenir un cadre pour les réclamations. Celles-ci sont traitées en réunion du CSE et les réponses figurent dans le procès verbal (PV), ce qui allonge considérablement l’une et l’autre. Le flou demeure sur la valeur juridique des réponses de la direction. 
Des réponses déposées dans l’intranet de l’entreprise
A Euronext Paris, place boursière employant 200 salariés, les réclamations de ces derniers sont inscrites à l’ordre du jour du CSE et les réponses de la direction déposées sur l’Intranet de l’entreprise, accessible aux salariés. Seules les questions et les réponses sont consignées, « mais pas les débats, car cela aurait rallongé de 25% le procès verbal, en outre, ce qui nous intéresse, ce sont les réponses écrites », relève Patrice Crosas, secrétaire (CGT) du CSE. Euronext n’ayant pas négocié d’accord CSE, cette procédure « a été décidée de gré à gré avec la direction », indique l’élu.Les réclamations, jusqu’à une dizaine, sont traitées à la fin de chaque CSE, qui se réunit une fois par mois pendant 4 ou 5 heures. Les réclamations remontent au CSE par les élus, certains en recueillant davantage que d’autres, car « nous nous sommes un peu spécialisés », explique Patrice Crosas. 
 
Le secrétaire du CSE recense l’ensemble des questions et les inscrit  à l’ordre du jour 

 

 

Dans l’enseigne de prêt-à-porter Pimkie (250 magasins), les réclamations remontent par mail aux élus. Elles empruntent le même chemin qu’à l’époque où il y avait deux CE, remplacés par un CSE unique depuis avril 2019. « Les réclamations sont recensées par le secrétaire du CSE une semaine avant la réunion puis inscrites à l’ordre du jour », décrit Marie-Annick Merceur, représentante syndicale (CFDT) au CSE et déléguée syndicale.

Une réunion du CSE parfois allongée

Les nombreuses réclamations (70 pour le CSE du mois d’octobre) sont ensuite traitées par service : magasins, logistique, RH… « La direction nous reproche de poser toujours les mêmes questions mais ne les bloque pas », témoigne Marie-Annick Merceur. Compte tenu du nombre de réclamations, « une journée ne suffit pas pour épuiser l’ordre du jour du CSE », qui se tient maintenant sur un jour et demi.

Les questions, les réponses et les débats sont consignés par une rédactrice dédiée dans le PV, qui occupe désormais une cinquantaine de pages. Le PV est ensuite déposé par le direction sur l’Intranet, accessible à tous les salariés.

 Les salariés nous sollicitent moins qu’avant

 

Le traitement des réclamations n’a pas fait l’objet de dispositions particulières dans l’accord CSE de Pimkie, qui s’est concentré sur « la participation des suppléants au CSE », indique Marie-Annick Merceur. Cette dernière pointe deux « pertes » par rapport à la situation antérieure.

D’une part dans la remontée des réclamations : « Les salariés nous sollicitent moins qu’avant : ils s’expriment davantage sur Facebook, de plus la direction fait passer le message qu’ils n’ont pas besoin de passer par les syndicats ». D’autre part dans la diffusion des réponses : « Les questions des DP et les réponses étaient auparavant photocopiées et accrochées dans les magasins, ce n’est plus le cas aujourd’hui, or je ne pense pas que les salariés prennent le temps de lire un PV de 50 pages ».

A la Maif et à l’Acoss, c’est une commission qui traite les questions des salariés
La Maif (7 500 salariés) s’est dotée, dans son protocole d’accord pré-électoral, de 134 représentants de proximité qui ont repris les prérogatives des DP. « Soit les réclamations sont traitées par le CSE lorsqu’il s’agit d’une situation grave, explique Adel Rachedi, élu (CAT) au CSE et DS, comme l’explosion de l’usine chimique à Rouen le 26 septembre, qui nous a conduit à y fermer notre site après qu’un représentant de proximité se soit rendu sur place. Soit, comme c’est le plus souvent le cas, elles remontent à la commission d’application des textes du CSE« .
Les questions et réponses sont consignées dans un compte-rendu versé dans la BDES 

 

Cette commission, dans laquelle siègent les représentants des syndicats et des employeurs, se réunit une fois par mois pendant une journée pour évoquer les questions du quotidien remontées par les représentants de proximité. Elle traite « environ 150 questions » par réunion. « Compte tenu de ce volume, nous ne nous offusquons pas que le direction les regroupe par thèmes », commente Adel Rachedi. Les questions sont envoyées à la direction une semaine avant et les réponses reportées dans un compte rendu, lui-même consigné dans la base de données économiques et sociales (BDES). « Les organisations syndicales peuvent également publier les réponses sur l’espace Intranet qui leur est dédié, auquel les salariés peuvent accéder », explique-t-il.

Les réponses sont publiées dans l’intranet par la direction 

 

A l’Acoss (1 300 salariés), qui gère la trésorerie de la Sécurité sociale et pilote le recouvrement via notamment les Urssaf, les réclamations des salariés, qu’elles soient individuelles ou collectives, sont traitées par une commission relations de travail (CRT) au sein du CSE. « Les élus de cette CRT peuvent, sur chaque site de notre organisme, s’appuyer sur les représentants de proximité (RP) qui ont connaissance des situation locales », décrit Stéphane Pougner, élu au CSE et délégué syndical FO.

Au préalable les RP essayent de gérer ces réclamations avec le responsable du site. Celles qui n’ont pu être réglées localement sont abordées avec la direction lors de réunions mensuelles dédiées à la CRT. Les réponses sont « la plupart du temps » publiées via l’Intranet d’entreprise par la direction. « Quelle est la valeur juridique de ces réponses ?, s’interroge Stéphane Pougner. Il faudra attendre les interventions de l’inspection du travail et, surtout, les jurisprudences, pour être éclairé sur ce point ».
 

 

Ce que prévoit le code du travail pour les CSE

concernant les réclamations individuelles et collectives

Jusqu’à 49 salariés A partir de 50 salariés et plus

L’article L. 2315-22 du code du travail prévoit ceci :

« Sauf circonstances exceptionnelles, les membres de la délégation du personnel du comité social et économique remettent à l’employeur une note écrite exposant l’objet des demandes présentées, deux jours ouvrables avant la date à laquelle ils doivent être reçus.

L’employeur répond par écrit à ces demandes, au plus tard dans les six jours ouvrables suivant la réunion.

Les demandes des membres de la délégation du personnel du comité social et économique et les réponses motivées de l’employeur sont, soit transcrites sur un registre spécial, soit annexées à ce registre.

Ce registre, ainsi que les documents annexés, sont tenus à la disposition des salariés de l’entreprise désirant en prendre connaissance, pendant un jour ouvrable par quinzaine et en dehors de leur temps de travail.

Ils sont également tenus à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 et des membres de la délégation du personnel du comité social et économique ».

L’article L.2312-5 du code du travail prévoit ceci :

« La délégation du personnel au comité social et économique a pour mission de présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise (..) ».

Les élus du CSE récupérent donc la mission autrefois dévolue aux délégués du personnel.

Mais aucun renvoi d’articles dans le code du travail ne permet de déduire que le registre spécial pour les CSE de moins de 50 salariés vaut aussi pour les CSE plus importants. Du coup, faute de précision de la part de l’administration, on peut considérer que faute de registre, la tenue des réclamations (questions et réponses) est remplacée de facto par le procès-verbal dans les CSE de plus de 50 salariés. Mais aucun détail pratique n’est donnée par les textes légaux.

Rappelons que, faute d’accord, le PV est établi et transmis à l’employeur par le secrétaire du CSE dans les 15 jours suivant la réunion, ou avant la prochaine réunion si elle est prévue avant ce délai (art. L. 2315-34).

 

 
Source – Actuel CE