travailL’histoire du mort français travail entraîne bien loin de ce qu’il signifie à l’heur actuelle car, par sa forme, il est curieusement porteur du chiffre « trois », témoin de son origine, et, à l’autre bout de la chaîne, il conduit à la notion de « voyage ». Devant cette révélation inattendue, on ne peut que rester incrédule, jusqu’au moment où l’on constate que le mot devenu travail en français remonte réellement au latin trepalium, où l’on reconnaît le nom du chiffre « trois » (du latin tres), suivi du mot désignant le « pieu » (du latin palus).

A l’origine, le trepalium était en réalité un instrument de torture formé de trois pieu, et il est bien attesté dans ce sens dès la fin du VI éme siècles dans un texte en latin relatant les décisions du Concile d’Auxerre. C’est un peu plus tard que l’on est passé de l’instrument de torture lui-même à la souffrance des condamnés, et que travail, en français, a signifié « souffrance, peine » pendant plusieurs siècles. Cette évolution sémantique à partir d’un objet matériel pour aboutir à une notion abstraite, on en connaît de nombreux exemples dans l’histoire des langues.

Mais ce qui laisse perplexe, c’est surtout le sen actuel de travail « occupation professionnelle », qui montre qu’on est passé de la désignation d’une situation affreusement douloureuse à celle d’une occupation tout simplement efficace. C’est ce nouveau sens qui l’emportera, à partir du XVI ème siècle, sur celui de pénibilité, qui, lui, disparaîtra presque complètement, à l’exception de la désignation des douleurs de l’accouchement, où travail se maintient encore de nos jours.

Enfin, une extension de sens très particulière se révèle dans l’emprunt que l’anglais a fait à l’ancien français : cet emprunt prend la forme travail, tout d’abord dans le sens de l’ancien français « effort pénible », puis dans celui de « voyage fastidieux », et finalement dans celui de « voyage tout court », mais avec une nouvelle graphie, définitive, cette fois, travel, afin d’éviter toute ambiguïté.