Tout en condamnant l’employeur à fournir au CSE un complément d’information, le juge peut prolonger le délai de consultation, voire fixer un nouveau délai courant à compter de la communication des informations complémentaires. C’est ce que décide la Cour de cassation dans un arrêt récent important à connaître.
Qui dit consultation du CSE, dit toujours mise à disposition ou transmission par l’employeur d’informations précises et écrites (article L. 2312-15 du code du travail). Rien de plus normal, en effet, car s’il n’est pas suffisamment informé, le CSE ne sera pas en mesure de rendre un avis motivé, c’est-à-dire de donner une opinion en pleine connaissance de cause. Cette régle vaut d’ailleurs pour toutes les consultations obligatoires, qu’elles soient récurrentes (orientations stratétiques, situation économique et financière et politique sociale, emploi et conditions de travail) ou ponctuelles (restructuration, réorganisation, plan de sauvegarde de l’emploi, etc.).
 

Le CSE peut saisir le juge pour demander d’autres informations

S’il estime ne pas disposer d’éléments d’information suffisants, le CSE a la possibilité de saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. Le fait d’aller devant le juge, qui a 8 jours pour se prononcer, n’arrête pas la montre et ne suspend pas le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Une prolongation du délai ne pourra en effet être ordonnée par le juge qu’en « cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du comité social et économique » (article L. 2312-15). Il ne faut donc pas traîner et veiller à saisir le président du tribunal judiciaire le plus rapidement possible, et bien évidemment avant la date butoir à laquelle le CSE est sensé rendre son avis consultatif. S’il est saisi tardivement, le juge ne pourra pas octroyer un nouveau délai de consultation au comité, l’action en justice sera tout simplement irrecevable (Cass. soc., 21 sept. 2016, n° 15-19.003).

Pire encore, si le délai de consultation venait à expiration, alors que le juge n’a pas encore rendu sa décision, le comité social et économique se retrouverait le bec dans l’eau (Cass. soc., 21 sept. 2016, n° 15-13.363). Son action, bien qu’engagée avec la date butoir pour rendre l’avis consultatif et peut-être pleinement justifiée, n’aurait plus lieu d’être.
 

Le juge peut prolonger le délai de la consultation

C’est peut-être pour éviter une telle situation, qui ne devrait pas exister dans le meilleur des mondes, qu’une nouvelle jurisprudence vient aujourd’hui préciser que « la saisine du président du tribunal de grande instance avant l’expiration des délais dont dispose le comité d’entreprise pour rendre son avis permet au juge, dès lors que celui-ci retient que les informations nécessaires à l’institution représentative du personnel et demandées par cette dernière pour formuler un avis motivé n’ont pas été transmises ou mises à disposition par l’employeur, d’ordonner la production des éléments d’information complémentaires et, en conséquence, de prolonger ou de fixer le délai de consultation tel que prévu par l’article R. 2323-1-1 du code du travail à compter de la communication de ces éléments complémentaires ». Précisons qu’aujourd’hui, le comité d’entreprise n’existe plus, l’article R. 2323-1-1 du code du travail a été abrogé et a été « remplacé » par l’article R. 2312-6, et le tribunal de grande instance a été remplacé par le tribunal judiciaire, la saisine du juge « statuant en la forme des référés » est devenue une saisine du juge « statuant selon la procédure accélérée au fond ». Mais cela ne change rien, cette jurisprudence est applicable au CSE, c’est tout son intérêt.
 

2 mois supplémentaires

Dans cette affaire portant sur la consultation du CCE de la société EDF sur un projet de création de deux EPR au Royaume-Uni, les juges de la cour d’appel avaient constaté que « les documents fournis par l’employeur à l’appui de la consultation étaient, au regard de l’importance du projet, de l’existence de risques opérationnels et financiers certains, et de l’impact sur le nombre d’emplois en France et à l’international, insuffisants ». Et d’estimer que « la synthèse du rapport confié par la société EDF à un groupe d’experts de six personnes remise au comité central d’entreprise laissait subsister des zones d’ombre et des angles morts que la production de l’entier rapport, réclamé vainement par le CCE, pouvait permettre de dissiper ». En conséquence, même si le projet avait déjà commencé à être mis en œuvre, la condamnation de l’employeur à fournir au CCE les documents complémentaires demandés et la fixation d’un nouveau délai de consultation de 2 mois pour permettre au comité central d’émettre son avis étaient pleinement justifiées.
Tout ceci nous paraît fort logique. A quoi bon ordonner la communication d’un rapport, qui devait être assez volumineux, si on ne donne pas aux élus le temps de lire et d’analyser le document !
 
► Remarque : comme le souligne la Cour de cassation sur son site internet (lire ici la note explicative de l’arrêt du 26 février 2020), « si la demande se révèle infondée, les documents ayant été transmis étant estimés par le juge comme suffisants pour que le comité d’entreprise puisse formuler un avis motivé, le délai s’achève à la date initialement prévue ».

Source – Actuel CE