La règle légale relative à la mise en place d’une représentation du personnel à l’échelle du groupe est en principe claire : « Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle » (article L. 2331-1 du code du travail). Mais dans les grands groupes internationaux, où la société mère française n’est qu’une filiale d’un maillage beaucoup plus large étendu sur plusieurs continents, peut-on encore parler « d’entreprise dominante » au sein du périmètre français ? Les explications de la Cour de cassation.
Un conglomérat américain, un comité européen, et des filiales françaises
Cette affaire a pour cadre le groupe UTC Fire & Sécurity, conglomérat industriel américain organisé autour de cinq secteurs d’activité (sécurité, gardiennage, télésurveillance, etc.). Ce groupe possède en France une holding à Cergy Pontoise (Val d’Oise) et 17 filiales. Le groupe américain dispose d’un comité d’entreprise européen. Mais en juillet 2016, les CE de deux filiales françaises (Chubb France et Delta security solutions) assignent la holding française pour également mettre en place un comité de groupe français.
CE européen et comité de groupe peuvent se compléter |
Comité de groupe et CE/CSE européen ne sont pas incompatibles. Le code du travail règle cependant le problème de la superposition éventuelle de ces deux instances.
Ainsi, il est possible de rapprocher le CE européen et le comité de groupe français, par des aménagements de leurs conditions de fonctionnement, voire même par la suppression du comité de groupe français (articles L. 2324-19 et L. 2345-2 du code du travail).
Dans les deux cas, l’entrée en vigueur de l’accord est subordonnée à un vote favorable du comité de groupe. En cas de suppression de celui-ci, les droits et missions du comité de groupe français doivent être maintenus au sein du comité d’entreprise européen.
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La qualification « d’entreprise dominante » n’exclut pas d’être contrôlé par des sociétés étrangères
Pour échapper à la création de cette instance de dialogue social supplémentaire, la holding française du groupe américain soutient qu’elle n’est pas une « entreprise dominante » au sens du code du travail dans la mesure où elle est elle-même contrôlée par deux sociétés situées aux Pays-Bas.
Cet argument est aussitôt écarté par la Cour de cassation : « Au termes de l’article L. 2331-1 du code du travail, un comité de groupe doit être constitué au sein du groupe formé par une entreprise dominante dont le siège est située sur le territoire national français et les entreprises qu’elle contrôle. Il est sans incidence que l’entreprise dominante située en France soit elle-même contrôlée par une ou plusieurs sociétés domiciliées à l’étranger« , affirme-t-elle. L’existence d’une direction européenne située aux Pays-Bas ne fait donc pas obstacle à la création d’un comité de groupe pour le périmètre français.
Le dirigeant de la société mère a un rôle déterminant sur le sort des filiales françaises
La holding française invoque ensuite le droit européen, selon lequel les sociétés de participation financière, dont l’unique objet est la prise de participation dans d’autres entreprise, la gestion et la mise en valeur de ces participations, ne sont pas considérées comme des entreprises dominantes. Cette qualification de « société de participation financière », que revendique la holding, ferait ainsi obstacle à la création d’un comité de groupe.
Mais pour la cour d’appel de Versailles, confortée par la Cour de cassation, « un faisceau d’indices permet d’affirmer que la holding n’est pas une « pure » société de participation financière ». Les juges relèvent en effet que :
- le dirigeant de la société mère française est également le dirigeant de 14 des 17 filiales françaises ;
- ce dirigeant presque unique intervient, en amont des décisions des filiales françaises, en se prononçant par des délibérations sur les projets d’acquisition, de ventes de parts, de création de nouvelles filiales, ainsi que sur les opérations de concentration au sein des sociétés françaises permettant de réorganiser les pôles d’activités entre ces dernières.
Ces éléments révèlent que la société mère française « s’immisce dans la gestion des sociétés filiales au sein de l’article 5 du paragraphe 3 de la directive 78/660/CEE du Conseil » européen. Il est dès lors jugé pertinent de mettre en place une instance du dialogue social pour le périmètre français de ce groupe international.
Source – Actuel CE