L’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 prévoit un droit à un congé annuel payé d’au moins quatre semaines pour tout travailleur européen, dont chaque Etat membre doit effectuer la transposition en droit national. Un droit considéré comme un principe de droit social de l’Union et consacré par l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
► La valeur de la Charte est équivalente à celle des traités européens, elle fait donc partie du droit primaire, sommet de la hiérarchie des normes européennes.
Mais si ce droit s’applique à tout travailleur, l’absence de ce dernier doit-elle avoir un impact sur son application ? La détermination du droit à congé est en principe liée à la présence effective du salarié pendant la période de référence, qui permet de déterminer le nombre de jours de congés acquis. Certaines absences sont cependant considérées par les droits nationaux comme assimilées à du temps de travail effectif, ce qui permet de neutraliser leurs effets. Tel est le cas en droit français du congé maternité par exemple.
La CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) s’est exprimée à plusieurs reprises sur cette question notamment concernant les effets d’une absence pour maladie sur l’acquisition de congés. Elle se prononce, dans un arrêt rendu le 4 octobre 2018, sur l’impact de la prise d’un congé parental.
L’affaire concerne une salariée roumaine demandant l’octroi de congés payés au titre de périodes correspondant à son congé parental. Demande refusée par son employeur, puisqu’en droit roumain le congé parental n’est pas considéré comme une période de travail effectif permettant d’acquérir un droit à congé. Un recours est alors formé devant les juridictions roumaines qui donnera lieu à une question préjudicielle de la cour d’appel de Cluj en Roumanie auprès de la CJUE. La cour sollicite la juridiction européenne afin de déterminer si l’article 7 de la directive 2003/88/CE s’oppose à une disposition nationale qui exclut les périodes de congé parental d’éducation d’un enfant pour la détermination du droit à congé annuel. Une problématique pouvant trouver une résonance en droit français qui prévoit un fonctionnement similaire au droit roumain.
A cette question la CJUE répond par la négative. Après avoir pointé l’importance particulière du droit au congé annuel payé, elle évoque sa finalité qui est de permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail. Elle souligne que « cette finalité est basée sur la prémisse que le travailleur a effectivement travaillé au cours de la période de référence ». Avant de déduire que « les droits au congé annuel payé doivent en principe être déterminés en fonction des périodes de travail effectif accomplies en vertu d’un contrat de travail » (CJUE, 11 novembre 2015).
Toutefois la Cour rappelle que dans « certaines situations spécifiques dans lesquelles le travailleur est incapable de remplir ses fonctions, en raison notamment d’une absence pour maladie dûment justifiée, le droit au congé annuel payé ne peut être subordonné par un Etat membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé » (CJUE, 24 janvier 2012). Il en est de même pour les travailleuses en congé maternité (CJUE, 18 mars 2004).
► Rappelons que la législation française n’est toujours pas conforme au droit européen sur ce point, puisque si la maladie professionnelle permet de bénéficier de l’assimilation de la période d’absence à un temps de travail effectif pour la détermination du droit à congé, ce n’est pas le cas de la maladie non professionnelle. Une distinction que ne fait pas la CJUE.
Mais, selon la CJUE, ces jurisprudences ne sauraient trouver d’application aux situations de congé parental. En effet, la maladie correspond à un événement imprévisible et indépendant de la volonté du travailleur. Or la cour soulève que la prise d’un congé parental ne revêt pas un caractère imprévisible et résulte, dans la plupart des cas, de la volonté du travailleur de s’occuper de son enfant. Par ailleurs, le travailleur en congé parental n’est pas soumis aux contraintes physiques ou psychiques engendrées par une maladie.
De même la situation du salarié en congé parental se distingue de celle de la travailleuse en congé maternité dans la mesure où le congé de maternité vise d’une part à la protection de la condition biologique de la femme au cours de sa grossesse et à la suite de celle-ci et d’autre part, la protection des rapports particuliers entre la femme et son enfant au cours de la période qui fait suite à la grossesse et à l’accouchement.
Pour terminer, la CJUE rappelle que si le salarié en congé parental reste un travailleur au sens du droit de l’Union, lorsque la relation de travail a été suspendue comme c’est le cas dans le cadre de la prise d’un congé parental, les obligations réciproques de l’employeur et du travailleur en matière de prestations, sont corrélativement suspendues.
Elle déduit de l’ensemble de ces éléments que l’article 7 de la directive 2003/88/CE ne s’oppose pas à une disposition nationale, qui, aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé garanti à un travailleur, ne considère pas la durée d’un congé parental pris par ce travailleur comme une période de travail effectif.
Elle adopte ainsi une conception non rigoriste de l’application de ce droit à congé payé annuel. Elle en avait déjà fait la démonstration notamment dans une affaire concernant un plan social dans laquelle elle avait admis que « l’article 7 ne s’opposent pas à des dispositions ou pratiques nationales, tel un plan social conclu entre une entreprise et son comité d’entreprise, en vertu desquelles le droit au congé annuel payé d’un travailleur dont le temps de travail est réduit est calculé selon la règle du prorata temporis » (CJUE, 8 novembre 2012).
Source – Actuel CE