Tout membre titulaire au comité social et économique a la faculté de cumuler ses heures de délégation dans la limite de 12 mois. Mais en entreprise quelles sont les modalités d’appréciation de cette période de 12 mois ? Notre réponse à cette question d’une lectrice.

Il y a quelques jours, une lectrice nous a soumis la question suivante :

« Nous sommes actuellement en train de préparer la mise en place du comité social et économique. Une question est venue concernant le report des heures de délégation sur 12 mois : quelles sont les modalités d’appréciation de cette limite ? »

Ce que prévoit le code du travail

Hérité de la délégation unique du personnel (DUP) « Rebsamen » de 2015, le droit pour les nouveaux membres du CSE de cumuler leur crédit d’heures mensuel est prévu par l’article R. 2315-5 du code du travail : « Le temps prévu à l’article L. 2315-7 (relatif au crédit d’heures) peut être utilisé cumulativement dans la limite de douze mois. Cette règle ne peut conduire un membre à disposer, dans le mois, de plus d’une fois et demi le crédit d’heures de délégation dont il bénéficie ».

Trois solutions pratiques à l’étude
À la lecture de ce texte réglementaire, et à défaut de jurisprudence sur le sujet, trois solutions pourraient être envisagées pour organiser dans l’entreprise le report des heures de délégation :
1°) Une appréciation stricte sur l’année civile
Cela consisterait à créditer le premier jour de chaque mois le compte d’heures de délégation de chaque élu et à écrêter au 31 décembre de chaque année les heures non utilisées.
Exemple : l’élu d’une entreprise de 60 salariés dispose de 18 heures de délégation par mois. Fin décembre, il dispose d’un total de 50 heures de délégation non utilisées sur les douze mois de l’année. Il serait alors considéré que ces 50 heures sont « perdues » au 1er janvier suivant.

 

Notre analyse : simple à organiser côté employeur, cette modalité de gestion des heures de délégation présente une faiblesse juridique majeure : elle revient de fait, pour les derniers mois de l’année, à remettre largement en cause le droit reconnu aux membres du CSE de reporter leurs heures de délégation inutilisées. Pour le mois de décembre, tout report des heures inutilisées serait même exclu ! À notre sens, cette solution doit être écartée.

2°) Allouer au 1er janvier l’ensemble des heures pour l’année
Il s’agirait ici de créditer au 1er janvier de chaque année l’ensemble des heures auxquelles aura droit l’élu jusqu’au 31 décembre. À charge alors pour ce dernier de gérer cette enveloppe annuelle, dans le respect du plafond mensuel de 1,5 fois le crédit d’heures mensuel.
Exemple : l’élu dispose de 18 heures de délégation par mois. L’employeur le crédite au 1er janvier de 18 X 12 = 216 heures de délégation pour l’année, avec pour seule contrainte de ne pas dépasser 18 X 1,5 = 27 heures de délégation dans un même mois.

 

Notre analyse : cette modalité de gestion des heures de délégation, qui peut apparaître souple à la fois pour l’entreprise et l’élu, n’est pas non plus exempt de critiques. Rappelons en premier lieu que le crédit d’heures est mensuel, il n’est pas acquis par chaque membre du CSE dès le premier jour du mandat pour toute l’année. Fonctionner ainsi présenterait le risque que les élus épuisent leur enveloppe d’heures de délégation avant la fin de l’année (potentiellement en 8 mois seulement s’ils utilisent chaque mois 1,5 fois le crédit d’heures de normal) et se retrouvent dans l’impossibilité d’exercer leurs prérogatives. En cas d’absence d’un titulaire, cela pourrait être également source de conflit avec le suppléant sur l’usage de cette enveloppe annuelle. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut écarter cette modalité d’organisation.
3°) Raisonner par période glissante de 12 mois
Chaque mois, il est alloué à l’élu un crédit d’heures qui bénéficie d’une durée de validité de 12 mois.
Exemple : l’élu dispose de 18 heures de délégation par mois. Pour le mois d’octobre 2018 il n’utilise que 10 heures de délégation. Le reliquat de 8 heures pourra donc être mobilisé dans les 12 mois à venir.

 

Notre analyse : c’est à notre sens la règle à retenir car elle respecte tout à la fois la lettre et l’esprit de la loi. Le caractère mensuel du crédit d’heures et la faculté pour l’élu de reporter efficacement ses heures de délégation non prises sont ici préservés. À charge alors pour les partenaires sociaux d’organiser le suivi de ces reliquats d’heures et d’imputer, chaque fois que le crédit mensuel « normal » est dépassé, les heures sur le reliquat le plus ancien.
Exemple : l’élu CSE dispose de 18 heures de délégation par mois. Il en utilise 27 en octobre 2018 alors qu’il dispose d’un reliquat de :

  • 4 heures pour le mois de juillet 2018 ;
  • 2 heures pour le mois d’août 2018 ;
  • 14 heures pour le mois de septembre 2018.

Il faudra prendre soin d’épuiser en priorité les reliquats de juillet et août 2018 avant de mobiliser le reliquat du mois de septembre.

Source – Actuel CE