Le défaut d’organisation des élections professionnelles peut avoir de lourdes conséquences : irrégularité de la procédure de licenciement économique, délit d’entrave, versement d’une indemnité égale à 6 mois de salaire en cas de licenciement pour inaptitude, etc. Ainsi, si l’employeur ne peut produire un procès verbal de carence justifiant qu’il a bien organisé les élections, la note peut être lourde.
D’autant que la jurisprudence considère qu’il s’agit d’une « faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ». Un simple salarié peut donc introduire une demande de dommages et intérêts et les obtenir en l’absence de procès-verbal de carence. Et dans ce cas, les dommages et intérêts sont dus alors même que le salarié n’invoque ni ne rapporte la preuve d’aucun préjudice (Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-20.591, Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17-22. 224). La sanction est donc automatique.
Mais qu’en est-il lorsque l’employeur manque à son obligation d’organiser des élections partielles ? La Cour de cassation répond pour la première fois à cette question dans un arrêt publié sur son site internet.
Pas d’organisation des élections partielles
Dans cette affaire, les élections professionnelles avaient bien été organisées. Mais, suite au départ de plusieurs délégués du personnel, les conditions étaient réunies dès avril 2014 pour organiser des élections partielles. Rappelons que l’employeur a l’obligation d’organiser des élections partielles si, à plus de 6 mois de la fin des mandats en cours, un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus (
C. trav., art. L. 2314-10).
Ici, un salarié demande donc l’organisation d’élections partielles, et l’employeur y procède en juin 2016.
Ce même salarié saisit le conseil de prud’hommes de demandes de dommages et intérêts notamment pour harcèlement moral en avril 2016, puis à la suite de son licenciement intervenu en janvier 2017, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans ce cadre, le salarié demande notamment des dommages-intérêts pour refus de mise en place des élections des délégués du personnel alors que les conditions d’organisation d’élections partielles étaient remplies. Les juges du fond lui refusent cette indemnisation.
Distinction élections professionnelles et élections partielles
Et la Cour de cassation est d’accord. Elle rappelle d’abord sa jurisprudence, fondée « sur l’application combinée de l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, des articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail, 1382 du code civil et de l’article 8, § 1, de la Directive n° 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne », qui prévoit que « l’employeur qui, bien qu’il y soit légalement tenu, n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ».
Puis elle distingue cette obligation de celle d’organiser des élections partielles, et en tire les conséquences. « En revanche, il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice lorsque, l’institution représentative du personnel ayant été mise en place, des élections partielles doivent être organisées du fait de la réduction du nombre des membres élus de l’institution représentative du personnel, les salariés n’étant pas dans cette situation privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ».
Organisation des élections partielles suite à la demande du salarié et délégué du personnel toujours présent dans l’entreprise
Enfin, la Cour analyse la situation dans cette entreprise, pour en déduire que le préjudice n’est pas constitué dans ce cas :
- un délégué du personnel était toujours présent ;
- l’employeur avait bien procédé à l’organisation d’élections partielles dès que le salarié en avait fait la demande.
Dans cette affaire, le préjudice n’est donc pas prouvé. Mais attention, si une de ces conditions n’est pas remplie, cela devrait impliquer le paiement de dommages et intérêts, sans avoir à prouver de préjudice direct vis-à-vis du salarié demandeur.
Application au CSE et aux autres sanctions
Il ne fait pas de doute que cette jurisprudence s’applique au CSE, les règles étant identiques. On peut également penser que cette jurisprudence est transposable aux autres sanctions encourues en cas d’absence d’organisation des élections.
Notons pour finir qu’il n’est pas expressément prévu d’obligation de dresser un PV de carence pour les élections partielles. Le document cerfa [le n° 15248*04 « PV de carence pour tous les collèges du CSE »] ne prévoit pas non plus spécifiquement ce cas. Il semble toutefois prudent d’établir un PV de carence, de le transmettre à l’inspecteur du travail dans les 15 jours et de le porter à la connaissance des salariés.