L’employeur ne peut décider de recourir au vote électronique qu’à l’issue d’une tentative loyale de négociation, d’un accord d’entreprise ou de groupe, avec les délégués syndicaux. En l’absence de délégué syndical, rien ne l’oblige à négocier avec les élus du CSE ou avec un salarié mandaté.
Pour l’élection du CSE, ce qui était déjà le cas pour les élections du CE et des délégués du personnel, un accord d’entreprise ou de groupe peut mettre en place un vote électronique. A défaut d’accord, la décision peut être prise par l’employeur (articles L. 2314-26 et R. 2314-5). Mais que signifie l’expression « A défaut d’accord » ? L’employeur doit-il obligatoirement tenter de négocier avec les organisations syndicales ? A moins qu’il puisse librement choisir entre négociation d’un accord et décision unilatérale de sa part ? Un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 13 janvier 2021, pour la première fois, répond à ces questions. L’importance juridique et pratique de cet arrêt du 13 janvier 2021 explique sa présence, accompagnée d’une note explicative, sur le site internet de la Cour de cassation.
L’employeur décide seul du vote électronique
Courant 2018, la société Rapide Côte d’Azur engage un processus de mise en place d’un CSE. Dans ce cadre, par décision unilatérale du 22 août 2018, l’employeur fait savoir que l’élection se fera par vote électronique. Contestation de la part du syndicat départemental CGT des transports des Alpes Maritimes, qui saisit le tribunal d’instance pour faire annuler la déclaration unilatérale de l’employeur sur le vote électronique.
N’ayant pas obtenu gain de cause en première instance, l’organisation syndicale décide d’aller en cassation. Dans son pourvoi, elle fait notamment valoir que les dispositions du code du travail (articles
L. 2314-26 et
R. 2314-5) étant d’ordre public, l’employeur devait impérativement entamer des négociations avant de décider lui-même de recourir au vote électronique. Et comme l’entreprise n’avait plus de délégué syndical, l’employeur aurait dû ouvrir une négociation « avec des élus, mandatés ou non, ou directement avec des salariés mandatés, en application des articles
L. 2232-24,
L. 2232-25 et
L. 2232-26 du code du travail ». Rappelons en effet que si, normalement, les accords d’entreprise sont négociés avec le délégué syndical, le code du travail prévoit toutefois différentes possibilités de négociation avec des élus du comité social et économique, mandatés ou non par une organisation syndicale, ou avec des salariés mandatés pour permettre aux entreprises qui n’ont pas de délégué syndical de négocier de tels accords (articles L. 2332-24, L. 2332-25 et L. 2332-26).
Il doit y avoir une tentative loyale de négociation…
Dans son arrêt, la Cour de cassation reconnaît bien qu’une priorité absolue doit être donnée à la négociation d’un accord collectif. Ainsi, il est jugé que « l’employeur ne peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d’un vote électronique » que si aucun accord d’entreprise ou de groupe n’a pu être conclu « à l’issue d’une tentative loyale de négociation ».
Cette volonté des juges de donner une priorité à la négociation par rapport à une décision unilatérale de l’employeur n’est pas en soi nouvelle. Par exemple, d’après le code du travail (
article L. 2313-4), « en l’absence d’accord…, l’employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel ». Comme le rappelle
la note explicative de la Cour de cassation, il a été jugé que l’employeur ne pouvait décider seul du découpage de l’entreprise en établissements distincts que si, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, aucun accord collectif n’a pu être conclu (
Cass. soc., 17 avr. 2019, n° 18-22.948).
Cette priorité donnée à la négociation collective est selon nous d’autant plus logique que le code du travail est devenu au fil du temps largement négociable. Aujourd’hui, sous réserve de respecter les règles d’ordre public, auxquelles il n’est pas possible de déroger, on peut largement adapter par accord collectif le droit du travail applicable à l’entreprise. C’est l’idée que les règles qui auront été négociées par les partenaires sociaux seront plus adaptées à la situation de l’entreprise.
…mais l’employeur n’est pas tenu de tenter une négociation avec le CSE faute de DS
Pour autant, le pourvoi de la CGT des transports est rejeté. Pour les juges, « en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise ou dans le groupe », l’employeur peut bien prendre une décision unilatérale sur le vote électronique et n’est pas tenu « de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 à L. 2232-26 du code du travail ». Autrement dit, s’il n’y a pas de délégué syndicaux, l’employeur n’est pas obligé d’ouvrir une négociation avec des élus du CSE, mandatés ou non par une organisation syndicale, ou avec des salariés mandatés, il peut d’emblée prendre une décision unilatérale. Dans cette affaire, il avait été constaté que l’entreprise n’avait plus de délégué syndical depuis le mois de février 2018. La décision unilatérale prise par l’employeur le 22 août 2018 sur le recours au vote électronique était donc valide.
Dans son arrêt, la Cour de cassation précise également que « le recours au vote électronique, qu’il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur, constitue une modalité d’organisation des élections et relève en conséquence du contentieux de la régularité des opérations électorales ». Une fois saisi, le tribunal judiciaire statue en premier et dernier ressort, ce qui signifie que seul un pourvoi en cassation est ensuite possible.