Ce sont les élections du CSE qui ouvrent le droit, pour un syndicat, de désigner un DS supplémentaire, puisque c’est au moment de ces élections que sont établis le score électoral des candidats et le nombre d’élus obtenus par le syndicat. L’effectif d’au moins 500 salariés nécessaire à la désignation d’un DS supplémentaire doit donc s’apprécier à cette date.
Dans les entreprises d’au moins 500 salariés, tout syndicat représentatif dans l’entreprise peut désigner un délégué syndical (DS) supplémentaire s’il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et des employés lors de l’élection du CSE, et s’il compte au moins un élu dans l’un des deux autres collèges, prévoit l’article L.2143-4 du code du travail.
Dans cet arrêt du 8 décembre 2021, la Cour de cassation précise les modalités d’appréciation de cette condition d’effectif de 500 salariés. Ainsi, alors que la dernière jurisprudence en date (Cass. soc., 26 janv. 1984, n° 83-60.926) prévoyait que ce seuil devait être apprécié selon les mêmes modalités que pour le seuil de 50 salariés pour la désignation des DS « classiques », c’est une toute autre position qui est retenue ici. Elle estime que la condition d’effectif s’apprécie à la date des dernières élections professionnelles. Désignation d’un DS supplémentaire
Dans cette affaire, postérieurement au premier tour des élections professionnelles au CSE d’établissement, un syndicat désigne un DS supplémentaire en application de l’article L. 2143-4 du code du travail. Rappelons que le DS supplémentaire, comme tout DS, est désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au CSE. L’établissement ne comptait que 485 salariés au cours du mois précédant la désignation.
La société conteste cette désignation. Selon elle, le syndicat ne pouvait pas désigner un DS supplémentaire dans la mesure où l’établissement ne comptait que 485 salariés au cours du mois précédant la désignation. En effet, elle estime qu’en application de la jurisprudence, le seuil d’effectif de 500 salariés devait être franchi pendant les 12 mois consécutifs précédant la désignation.
► Remarque : l’entreprise reprend ici à son compte et transpose aux règles actuelles une jurisprudence ancienne en date du 26 janvier 1984 (Cass. soc., 26 janv. 1984, n° 83-60.926) selon laquelle ce seuil doit être apprécié selon les mêmes modalités que pour la désignation des DS « classiques ». Cette jurisprudence, à l’origine, se fondait sur les anciens articles du code du travail, lesquels prévoyaient notamment que l’effectif de 50 salariés nécessaire pour la désignation d’un DS devait être atteint pendant 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 3 dernières années. La Cour de cassation avait alors estimé dans cet arrêt que pour savoir si un syndicat avait ou non la faculté de désigner un DS supplémentaire, il convenait de rechercher si l’entreprise avait ou non atteint un effectif d’au moins 500 salariés pendant les 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 3 dernières années. Or, désormais, selon l’article L. 2143-3 du code du travail, la désignation d’un DS ne peut intervenir que lorsque l’effectif d’au moins 50 salariés a été atteint pendant 12 mois consécutifs avant la désignation. Il est à noter cependant que ces deux conditions n’ont pas du tout la même portée pour les entreprises. En effet, réunir un certain effectif pendant 12 mois consécutifs ou non sur 3 ans est beaucoup plus facilement réalisable que réunir ce même effectif sur 12 mois consécutifs.
Le tribunal n’a pas fait droit à sa demande. Selon lui, puisque l’établissement comptait plus de 500 salariés à la date des dernières élections professionnelle, la désignation était valable. En cas d’établissements distincts, la condition d’effectif s’apprécie par établissement
Avant de statuer sur la question liée au seuil d’effectif, la Cour de cassation prend le soin de rappeler le cadre dans lequel celui-ci doit s’apprécier. Elle rappelle alors que lorsqu’une entreprise est divisée en établissements distincts pour l’élection des CSE d’établissement, puisque ce sont les résultats de ces élections qui conditionnent la désignation d’un DS supplémentaire, c’est par établissement que s’apprécie la condition d’effectif de 500 salariés.
► Remarque : la Cour de cassation confirme ici une jurisprudence constante (Cass. soc., 9 févr. 1984, n° 83-61.063 ; Cass. soc., 3 févr. 1999, n° 98-60.290).
C’est à la date des dernières élections du CSE que le seuil d’effectif de 500 salariés s’apprécie
Concernant ensuite la date d’appréciation de ce seuil d’effectif, la Cour de cassation valide l’analyse du tribunal judiciaire. Après avoir rappelé les règles posées par l’article L. 2143-4 du code du travail (v. ci-dessus), elle juge que l’effectif d’au moins 500 salariés doit s’apprécier, dans l’établissement, à la date des dernières élections du CSE. En effet, puisque ce sont ces élections qui permettent d’établir le score électoral et le nombre d’élus obtenus par le syndicat ouvrant droit au syndicat de désigner un DS supplémentaire pour tout le cycle électoral, c’est à cette date que doit s’apprécier la condition d’effectif.
► Remarque : depuis une jurisprudence de 2013 (Cass. soc., 13 févr. 2013, n° 12-18.098), la Cour de cassation considère que la représentativité des syndicats est établie pour toute la durée du cycle électoral. Il nous semble que la solution retenue dans cet arrêt du 8 décembre 2021 est à mettre en parallèle avec cette jurisprudence de 2013. En effet puisque les conditions liées à la désignation d’un DS supplémentaire en application de l’article L. 2143-4 du code du travail (à savoir, pour le syndicat, être représentatif et disposer d’un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l’élection au CSE) reposent sur les résultats des élections professionnelles, lesquelles conditionnent la représentativité du syndicat durant tout le cycle électoral, il nous semble tout à fait logique d’apprécier la condition d’effectif à cette même date.
C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation prend cette position. Cet arrêt constitue donc, selon nous, un revirement de jurisprudence.