La demande subsidiaire tendant à constater que le périmètre et les honoraires sollicités par l’expert du CSE sont excessifs, a un objet distinct, ne tendant pas au même but, de l’assignation ayant pour unique objet de contester le principe de l’expertise, et non son étendue. Cette demande subsidiaire est donc irrecevable dès lors que celle-ci n’a pas été formulée dans le délai de forclusion.
La contestation de l’expertise du CHSCT par l’employeur a fait couler beaucoup d’encre. La jurisprudence de la Cour de cassation a dû en fixer les contours. L’arrêt du 2 décembre 2020 apporte une nouvelle précision relative aux délais de contestation, distinguant bien selon l’objet de la contestation de l’employeur. Cette solution est transposable au CSE.
Contestation du principe de recours à l’expertise
Dans cette affaire, un CHSCT décide le 5 octobre 2016 du recours à une expertise pour risque grave. Par acte d’huissier du 20 octobre 2016, l’employeur fait assigner le CHSCT aux fins de constater que la preuve d’un risque grave n’est pas rapportée et en conséquence d’annuler la délibération sur le principe du recours à l’expert.
C’est par assignation du 31 octobre 2018, soit plus de deux ans plus tard, devant le président du tribunal statuant en la forme des référés sur renvoi après cassation qu’est présentée la demande subsidiaire tendant à constater que tant le périmètre que les honoraires sollicités par le cabinet d’expertise sont excessifs.
Cette demande est déclarée irrecevable car tardive.
L’employeur conteste, au motif que cette demande subsidiaire de réduction de l’étendue de l’expertise, était « virtuellement comprise dans la demande originaire tendant à l’annulation de la décision de recourir à l’expertise ». La première demande ayant bien été formulée dans le délai de forclusion, la demande subsidiaire serait donc automatiquement recevable.
Mais la Cour de cassation rejette cette argumentation et donne raison au juge.
Contestations de la nécessité de l’expertise et de celle de son étendue et coût : deux objets distincts
Puis elle constate que l’assignation du 20 octobre 2016 « avait pour unique objet de contester le principe de l’expertise, et non son étendue, et que ce n’était que par assignation du 31 octobre 2018 devant le président du tribunal statuant en la forme des référés sur renvoi après cassation qu’avait été présentée la demande subsidiaire tendant à constater que tant le périmètre que les honoraires sollicités par le cabinet d’expertise sont excessifs ».
Transposition de la décision au CSE
- la délibération du CSE décidant le recours à l’expertise s’il entend contester la nécessité de l’expertise ;
- la notification à l’employeur du cahier des charges et des informations prévues à l’article L. 2315-81-1 (notification à l’employeur par l’expert du coût prévisionnel, de l’étendue et de la durée d’expertise) s’il entend contester le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise.
Par conséquent le point de départ peut être différent, mais en tout état de cause, l’employeur ne pourra pas introduire une demande subsidiaire sur assignation plusieurs mois plus tard.
► Remarque : cette chronologie peut modifier la situation. En effet, l’article L. 2315-86 précise que la saisine du juge judiciaire suspend l’exécution de la décision du comité, ainsi que les délais dans lesquels il est consulté, jusqu’à la notification du jugement. Ainsi, si l’employeur conteste dans les 10 jours le principe même de l’expertise, l’expert ne peut pas commencer sa mission. Si ce dernier n’a pas encore notifié son cahier des charges, faisant démarrer le délai de contestation de l’étendue et du coût de l’expertise, ce délai n’aura donc pas commencé à courir. Par conséquent, si l’employeur est débouté de sa contestation du principe même de l’expertise, et que l’expertise reprend, il pourra alors contester son étendue et son coût une fois reçu ledit cahier des charges. Cependant, il nous semble, alors même que l’expertise est suspendue par l’action, que si l’expert a envoyé son cahier des charges avant la date de la contestation de l’expertise, l’employeur sera tenu par le délai de forclusion de 10 jours à compter de ce point de départ : il devra alors contester d’une part la nécessité de l’expertise et d’autre part son périmètre et son coût, pour que ces deux demandes distinctes soient recevables.
(*) La « forclusion » est la sanction civile qui, en raison de l’échéance du délai qui lui était légalement imparti pour faire valoir ses droits en justice, éteint l’action dont disposait une personne pour le faire reconnaître.