La rupture conventionnelle est nulle quand il est avéré qu’à la date de sa conclusion, l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence d’un PSE en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci.

La rupture conventionnelle du contrat ne peut être imposée par l’une ou l’autre partie. Elle résulte d’une convention signée par l’employeur et le salarié, qui atteste de leur consentement mutuel (C. trav., art.  L. 1237-11). Comme toute autre convention, elle doit avoir été négociée librement, le consentement du salarié devant être exempt de dol, violence ou erreur (C. civ., art. 1130). Ceci signifie qu’une rupture conventionnelle entachée d’un vice du consentement, soit sur le principe de la rupture, soit sur les conditions de cette rupture, pourra être annulée par les juges et cette nullité produira dans ce cas les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
 

La reconnaissance d’un dol

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt dans lequel elle confirme la position des juges du fond ayant constaté l’existence d’un dol de la part d’un employeur dans le cadre de la conclusion d’une rupture conventionnelle avec l’un de ses salariés. Rappelons qu’on dénomme dol l’ensemble des manœuvres frauduleuses destinées à tromper ou, plus précisément, l’ensemble des agissements trompeurs ayant entraîné le consentement qu’une des parties à un contrat n’aurait pas donné, si elle n’avait pas été l’objet de ces manœuvres. Le dol suppose à la fois, de la part de l’auteur des manœuvres, une volonté de nuire et, pour la personne qui en a été l’objet, un résultat qui lui a été préjudiciable et qui justifie qu’elle obtienne l’annulation du contrat pour vice de consentement.

Dans cette affaire, employeur et salarié signent une rupture conventionnelle le 18 décembre 2015. Le salarié demandera par la suite l’annulation de cette rupture et le paiement de diverses sommes à titre de créances salariales et de dommages et intérêts, estimant que son consentement a été vicié par la dissimulation, par l’employeur, de l’imminence de l’engagement d’une procédure de licenciement collectif au moment de la conclusion de la rupture conventionnelle.

Un PSE en préparation

La cour d’appel a confirmé l’existence de ce dol et a annulé la convention de rupture, aux motifs :

  • qu’un plan d’action avait été annoncé le 10 décembre 2015 pour redresser la société et qu’un plan de sauvegarde prévoyant des licenciements collectifs avait été présenté en février 2016 au comité d’entreprise ;
  • que l’employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle, qu’un plan de sauvegarde était en préparation, prévoyant de multiples licenciements et des mesures d’accompagnement et qu’il ne pouvait soutenir ignorer que le poste du salarié, avec qui il était en discussion, serait supprimé dans le cadre de ce plan.

Les arguments de l’employeur

L’employeur a bien tenté de convaincre la Cour de Cassation du contraire. Il estimait pour sa part  :

  • qu’à la date de la conclusion de la rupture conventionnelle, aucune décision relative à l’engagement d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique, ni à l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi, n’avait été prise ; qu’il avait seulement été opté, le 28 janvier 2016, pour une fermeture de l’usine du 28 mars au 3 avril et du 2 au 8 mai 2016 ainsi que pour le lancement d’une procédure de chômage partiel et que les négociations relatives à l’élaboration d’un PSE n’avaient été engagées avec les représentants du personnel que courant février 2016. Ce que la cour d’appel s’était contentée de relever sans mieux caractériser que l’employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle le 18 décembre 2015, que le poste du salarié serait supprimé dans le cadre de ce PSE et que le salarié bénéficierait de mesures plus favorables que celles qui lui étaient offertes dans le cadre de la rupture conventionnelle ;
  • que la nullité d’une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu’au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant et qu’à aucun moment la cour d’appel n’a démontré qu’il aurait agi intentionnellement afin de tromper le salarié ;
  • qu’en l’espèce, il résultait des constatations de l’arrêt que le salarié, informé de la dégradation de la situation économique de l’entreprise courant 2015 et du fait que des mesures de restructuration devraient être mises en œuvre, lui avait confirmé le 24 novembre 2015 qu’il souhaitait quitter son poste dans le cadre d’une rupture conventionnelle. Néanmoins, les juges du fond n’avaient, à aucun moment, expliqué en quoi cela n’était pas de nature à écarter le caractère déterminant des informations détenues par l’employeur. Or, a rappelé ce dernier, pour qu’il y ait dol, les manœuvres pratiquées par l’une des parties « doivent être telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ». Ce qui n’a pas, selon lui, été demontré par lesdits juges.

Mais ce fut peine perdue. La Cour de cassation valide en tout point la décision de la cour d’appel qui a constaté, « par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci ».

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