84 salariés de SAP ont engagé un action aux prud’hommes de Paris pour un contentieux sur la rémunération variable. L’action est sponsorisée à hauteur de 30 000 euros sur le budget de fonctionnement du CE qui a mandaté un cabinet d’avocats pour porter les dossiers. De quoi réduire la facture pour les plaignants. Une démarche originale mais irrégulière selon plusieurs experts. Seul un syndicat aurai pu agir de la sorte pour éviter la confusion des genres.
Le 18 juillet 2013, le CE de l’éditeur informatique SAP a voté à l’unanimité un budget de 30 000 € sur son budget de fonctionnement pour mandater un cabinet d’avocats chargé de soutenir les contentieux engagés aux prud’hommes de Pas par les consultants qui estiment que le niveau de leur rémunération variable est calculée à la baisse par un facteur d’ajustement, le « funding model », appliqué unilatéralement selon des objectifs collectifs dont la fixation reste opaque. C’est un forfait de 75 € qui est demandé par le cabinet d’avocats pour chaque salarié qui demande réparation de son préjudice, avec des rappels de salaires variant de 1 000 à 20 000 €. Le CE qui prend en charge le reste des frais s’assure aussi de centraliser tous les document utiles à la constitution des dossier, avec, au premier rang, les bulletins de salaire. Le 10 avril prochains, c’est lors d’une même audience que les dossiers de 84 salariés seront présentés aux prud’hommes. « Le CE interviendra en la cause par jeu de conclusions écrites devant le bureau de jugement pour chaque action initié par un salarié », indique le procès verbal du CE du 18 juillet.
Utilisation non conforme du budget du CE
La démarche engagée par le CE ne serait pas dans les clous. « La prestation offerte aux salariés n’ente pas dans les attribution économiques du comité d’entreprise et ne saurait être imputée sur son budget de fonctionnement », considère Claudine Vergnolle, responsable AudiCE Consultant et initiatrice de la commissions CE de l’ordre des experts comptable de Paris Ile de France. La réponse d’un cabinet d’avocats, spécialisé sur les CE et sollicite pour avis, est exactement la même. Les deux experts précisent toutefois que la démarche aurait pu être une prise en charge sur le budget d’activité sociales et culturelles. « Il a été jugé que le fait de permettre aux salariés de bénéficier d’une assistance juridique gratuire constitue bien une activité sociale et culturelle (TGI Paris, 4 juin 2013, n° 12-05394) », explique Claudine Vergnolle, qui ajoute que « les salariés doivent rester libres de choisir leur avocat pour engager l’action ». Le cabinet d’avocats mandaté par le CE voit les choses différemment puisqu’elle écrit : « prendre une partie de ce financement sur le budget des activités culturelles et sociales est juridiquement contestable si surtout le comité d’entreprise se constitue partie à la procédure ». A l’inverse, le cabinet d’avocats spécialisé sur les CE affirme que « le comité serait irrecevable à intervenir aux côtés des salariés à l’instance prud’homale ». « Nous avons plusieurs fois interpellé la direction de SAP et le CE sur cette irrégularité sans aucune réponse », affirme Eric Yahia, de la CGT SAP, qui conteste cette utilisation non conforme du budget du CE et le manque de transparence de la démarche. Depuis le CE de juillet 2013, aucune information n’a en effet été présentée sur le nombre de dossiers traités et la stratégie juridique déployée. Pour Gérard Gervais, secrétaire du CE, l’essentiel n’est pas la. « Un tiers des salariés les plus désavantagés par le funding model a pu engager un contentieux grâce à l’action du CE », préfère argumenter l’élu qui considère que la question de l’imputation du budget serait avant tout une question de forme. A suivre …
Appropriation syndicale
La CGT, syndicat minoritaire chez SAP, y voit en outre une fâcheuse confusion des genres quand « le syndicat majoritaire s’approprie le bénéfice de l’action alors que celle-ci est financée par le budget de fonctionnement du CE ». Début janvier, le CFE-CGC de l’éditeur informatique a publié un tract sur lequel on pouvait lire : « Pour nous permettre de mener des actions comme celle en cours sur le funding, rejoignez nous en contactant directement votre délégué syndical » … Voila dans tous les cas une démarche que ce syndicat aurait pu lancer tout seul mais en la finançant aussi tout seul.