L’employeur n’est pas tenu d’engager des négociations avec les organisations syndicales en vue de conclure un accord sur la BDESE, la base de données économiques, sociales et environnementales, précise la Cour de cassation dans un arrêt du 4 octobre 2023.

Le CSE a été conçu comme une instance représentative du personnel (IRP) qu’il est largement possible d’aménager par accord. Sous réserve de respecter les règles d’ordre public, on peut quasiment tout négocier : le nombre de réunions, les délais de consultation, les consultations elles-mêmes, la base de données économiques, sociales et environnementales, les expertises, etc.

Cette évolution du droit de la négociation collective repose sur l’idée que ce qui aura été négocié par les partenaires sociaux au niveau de l’entreprise sera beaucoup plus concret et adapté par rapport à ce que prévoit le code du travail pour toutes les entreprises, quelles que soient leur taille, leur activité et leur organisation notamment. Cette logique de négociation n’est pas propre au CSE car, aujourd’hui, une bonne partie du code du travail est négociable. Pour un thème donné, on y trouve des règles d’ordre public, auxquelles il n’est pas possible de déroger, un champ ouvert à la négociation d’un accord et, enfin, des dispositions dites supplétives qui devront être appliquées si aucun accord n’a été conclu.

Il peut négocier, mais il n’y est pas contraint

L’employeur peut ouvrir une négociation, il n’y est pas obligé : c’est en résumé ce que nous apprend un arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 2023, à propos de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE).

Dans le cadre d’un contentieux engagé à l’encontre d’une opération de cession de titres, plusieurs élus du CSE et la CGT Fiducial private security Ile-de-France reprochent à l’employeur d’avoir mis en place une BDESE en appliquant directement le code du travail sans tentative de négociation d’un accord sur cette base de données.

Ainsi, cherchant à faire suspendre le projet, ces élus et leur syndicat réclament en référé l’arrêt du déploiement de la BDESE actuelle et « la mise en place d’une négociation loyale avec les organisations syndicales représentatives sur l’organisation, l’architecture, le contenu et les modalités de fonctionnement d’une base de données économiques et sociales ».

Ces demandent sont rejetées.

Ce que nous dit le code du travail

Le code du travail donne aux partenaires sociaux la possibilité de fixer par accord, négocié avec les délégués syndicaux (DS) ou directement avec le CSE en l’absence de DS, l’organisation, l’architecture et le contenu de la BDESE, notamment les droits d’accès, son niveau de mise en place dans les entreprises comportant des établissements distincts, son support, ses modalités de consultation et d’utilisation (article L 2312-21 du code du travail).

A défaut d’accord, il revient à l’employeur de mettre en place la base de données économiques, sociales et environnementales telle que définie par les articles législatifs et réglementaires du code du travail (articles L.2312-21L.2312-36 et R.2312-10).

Pour la Cour de cassation, « le contenu de la base de données économiques et sociales étant, en l’absence d’accord, déterminé par les dispositions légales et réglementaires (…), la négociation préalable d’un accord prévu à l’article L.2312-21 du code du travail ne présente pas de caractère obligatoire ».

En conséquence, « l’employeur n’avait commis aucun manquement en s’abstenant d’engager des négociations avec les organisations syndicales en vue de la conclusion d’un accord sur l’organisation, l’architecture, le contenu et les modalités de la base de données économiques et sociales ». Il n’y avait donc lieu à référé sur la demande de suspension de la mise en place de cette base de données.

La solution retenue par les juges va bien au-delà de la BDESE, et vaut pour toutes les autres négociations prévues par le code du travail pour aménager le comité social et économique. Ces négociations sont et restent facultatives.

Pourquoi une telle différence ?

D’après le code du travail, le nombre et le périmètre des établissements distincts est fixé par accord (articles L.2313-2 et L.2313-3). En l’absence d’accord, c’est l’employeur qui décide compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel (article L.2313-4).

Dans un arrêt du 17 avril 2019, la Cour de cassation a fait de cette négociation un point de passage obligatoire en imposant à l’employeur d’engager loyalement une négociation (arrêt du 17 avril 2019).

D’un côté, obligation de négocier sur le découpage de l’entreprise en établissements distincts, de l’autre pas d’obligation de négocier la BDESE. Pourquoi une telle différence ?

Ici, la tentative de négociation sur la division de l’entreprise en établissements distincts est rendue obligatoire car, en l’absence d’accord, l’employeur retrouve une totale liberté pour décider. Aucune disposition supplétive ne s’impose à lui, alors que pour la BDESE il doit directement appliquer le code du travail si aucun accord n’a été conclu, il ne décide de rien.

Frédéric Aouate

Source – Actuel Expert-comptable