Le choix, effectué par le salarié mis à disposition, d’être électeur dans son entreprise d’accueil aux élections des délégués du personnel ne peut le priver de son droit d’être électeur et éligible aux élections du CSE dans son entreprise d’origine.

La question des salariés mis à disposition peut être fort sensible, en particulier lors de l’organisation des élections professionnelles. La loi du 20 août 2008 a conféré à ces salariés un droit d’option, s’ils en réunissent les conditions, entre leur entreprise d’origine et leur entreprise d’accueil. Loin de tout régler, ces règles posent de nombreuses questions, d’autant que l’intervention de l’ordonnance relative au CSE les prive de toute éligibilité dans l’entreprise d’accueil. Le point qui est tranché par cet arrêt est de portée immédiate mais restreinte : que faire de l’option exercée par le salarié mis à disposition sous l’empire des anciennes instances représentatives lors de la mise en place du CSE nouveau ? Mais annonce-t-il une solution plus globale à ces questions ?Option exercée par le salarié mis à disposition

Rappelons les règles applicables en la matière. Ainsi, les salariés mis à disposition sont :

  • électeurs dans leur entreprise utilisatrice s’ils y ont acquis une durée de présence de 12 mois continus (cette règle est inchangé avec le CSE) ;
  • éligibles dans leur entreprise utilisatrice au mandat de délégué du personnel (et pas du CE ni de CSE) s’ils ont acquis 24 mois continus de présence ;
  • électeurs et éligibles dans leur entreprise d’origine dans les conditions de droit commun.

Mais pour ce qui est de l’électorat comme de l’éligibilité, le salarié mis à disposition doit choisir, c’est ce que l’on appelle le droit d’option. De nombreuses questions s’attachent à cette option, et toutes ne sont pas encore réglées, loin s’en faut.Option et mise en place du CSE

Dans cette affaire, un salarié mis à disposition choisit, en 2016, d’exercer son droit de vote pour les élections de délégués du personnel au sein de son entreprise d’accueil. En 2018, son entreprise d’origine refuse de l’inscrire sur la liste des électeurs appelés à élire le CSE. Le tribunal d’instance est saisi d’un recours contre le refus d’inscription.

Le tribunal donne raison à son employeur au motif, qu’à compter de 2016, le salarié a renoncé à exercer ses droits électoraux au profit de l’entreprise utilisatrice. Il a donc pris cet engagement pour une durée de 4 ans, c’est-à-dire jusqu’en 2020. Avec l’application de cette théorie du « cycle électoral », d’après les juges du fond, le choix personnel exercé par le salarié mis à disposition le prive de sa qualité d’électeur, ainsi que de son éligibilité dans son entreprise d’origine jusqu’à cette date.

Mais la Cour de cassation n’est pas du tout d’accord. Elle explique que « le droit d’option exercé par un salarié mis à disposition, en application d’un texte légal désormais abrogé qui l’autorisait à être électeur et éligible dans son entreprise d’accueil, ne peut lui être opposé pour refuser son éligibilité au CSE mis en place au sein de son entreprise d’origine, dès lors que l’entrée en vigueur de l’ordonnance no 2017-1386 du 22 septembre 2017 ne lui permet plus d’être éligible dans son entreprise d’accueil. » Dès lors, en déduit la Cour,  « le choix effectué par le salarié d’être électeur dans son entreprise d’accueil aux élections des délégués du personnel ne pouvait le priver de son droit d’être électeur et éligible aux élections du CSE dans son entreprise d’origine. »Une portée plus générale ?

Cette décision est rendue au visa de l’article 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 assurant la participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail comme principe constitutionnel. On peut donc se demander si cette solution, cantonnée à la première mise en place du CSE ne contient pas les arguments permettant au salarié d’être toujours inscrit sur la liste électorale (et donc également éligible) de son entreprise d’origine. En effet, si le droit d’option l’empêche à l’avenir, et pour 4 ans d’être inscrit sur les listes électorales de son entreprise d’origine, cela le prive par ricochet du droit d’être candidat aux élections professionnelles, cela lui étant interdit dans son entreprise d’accueil.

Une décision de 2011 semble d’ailleurs militer en ce sens. Dans cette affaire, un salarié mis à disposition avait été élu délégué du personnel de son entreprise utilisatrice, puis quelques mois plus tard s’était porté candidat aux élections de membres du CE de son entreprise d’origine. La Cour de cassation lui a reconnu ce droit, l’exercice de son droit d’option ne pouvant le priver de son éligibilité au CE, chose impossible dans son entreprise d’accueil (lire l’arrêt du 28 septembre 2011). Qui peut le plus peut le moins : on peut donc penser qu’il ne sera pas non plus possible à l’avenir de priver un salarié mis à disposition de son éligibilité au CSE de son entreprise d’origine, même s’il a opté pour son entreprise d’accueil pour voter aux élections professionnelles.

Cependant, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 février 2019 vise bien spécifiquement la première mise en place du CSE, et s’appuie également sur l’abrogation des anciennes dispositions du code du travail par l’ordonnance sur le CSE sans rejeter directement et clairement la théorie du cycle électoral.

À noter, enfin, qu’un autre arrêt de la Cour de cassation de 2010 a décidé que c’est lors des élections dans son entreprise d’accueil que le droit d’option s’exerce, sans que le fait d’avoir déjà voté dans son entreprise d’origine puisse priver le salarié mis à disposition de ce droit. En effet, les conditions de présence à remplir par les salariés mis à disposition pour pouvoir choisir d’exercer leur droit de vote dans l’entreprise qui les emploie ou dans l’entreprise utilisatrice sont appréciées lors de l’organisation des élections dans l’entreprise utilisatrice (lire l’arrêt du 26 mai 2010). C’est toujours le cas pour le CSE, d’après l’article L. 2314-23 en terme d’électorat, même s’il n’y a aucune option possible à exercer en terme d’éligibilité. Dans ce cas, si cette solution perdure, il semble donc que le salarié serait mis en position d’exercer son droit d’option lors de l’élection à venir de mise en place du CSE dans son entreprise d’accueil.

La Cour de cassation a encore de nombreux éclaircissements à apporter en la matière.

Source – Actuel CE