En cas de licenciement, le salarié se trouvant dans l’incapacité d’exécuter son préavis, alors qu’il n’en a pas été dispensé par l’employeur, ne peut pas prétendre au bénéfice de l’indemnité de préavis, nous dit l’article L.1234-5 du code du travail. C’est le cas, par exemple, si l’exécution du préavis est impossible en raison de la suspension du permis de conduire du salarié (arrêt du 28 février 2018) ou d’un arrêt de travail pour maladie non professionnelle (arrêt du 6 mai 2009).
Ce principe supporte toutefois quelques exceptions. La Cour de cassation en ajoute une nouvelle avec l’arrêt du 17 novembre 2021.
Un salarié exerçant des fonctions commerciales est licencié après une absence de près de 18 mois pour maladie. Le licenciement est motivé par les perturbations causées dans le fonctionnement de l’entreprise par cette absence prolongée rendant nécessaire le remplacement définitif de l’intéressé. Ce dernier conteste la légitimité de la rupture.
Le salarié conteste la perturbation du service invoquée par l’employeur à l’appui de son licenciement. En effet, l’employeur ne justifie pas que ce service est essentiel au bon fonctionnement de l’entreprise, ni d’ailleurs que le salarié y occupe un poste stratégique. Par ailleurs, l’employeur avait recruté un remplaçant en contrat à durée déterminée (CDD) pour la durée de l’arrêt maladie du titulaire du poste, et les objectifs commerciaux du service étaient remplis. Par conséquent, la perturbation du service invoquée à l’appui du licenciement n’était pas démontrée.
Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, donnent raison au salarié et jugent le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
► Sur ce point, la solution s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation. Celle-ci admet en effet depuis longtemps la possibilité de licencier un salarié dont les absences prolongées ou répétées pour maladie perturbent l’entreprise si le remplacement définitif de l’intéressé à son poste s’impose (arrêt du 13 mars 2001 ; arrêt du 2 mars 2005). Mais l’employeur doit être en mesure de prouver, d’une part que l’absence du salarié désorganise l’entreprise (arrêt du 19 octobre 2005) ou un service essentiel à son fonctionnement (arrêt du 23 mai 2017) et, d’autre part, qu’il a recruté un nouveau salarié en contrat à durée indéterminée à une date proche du licenciement (voir, en dernier lieu, arrêt du 24 mars 2021). À défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (arrêt du 27 janvier 2016), et peut même être jugé nul si l’absence pour maladie du salarié résulte du harcèlement qu’il a subi (arrêt du 11 octobre 2006).
Pour la Cour de cassation, le licenciement pour absence prolongée désorganisant l’entreprise ayant été jugé abusif, le salarié pouvait prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis même si, du fait de son arrêt de travail pour maladie, il n’aurait pas été en capacité de l’exécuter.
► C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation énonce ce principe. Mais la règle avait déjà été appliquée par les juges du fond (voir, déjà en ce sens, cour d’appel de Poitiers du 27 novembre 2007 n° 05-3780).
Ainsi, la Cour de cassation ouvre un nouveau cas dans lequel, par exception au principe visé ci-dessus, le salarié malade empêché d’exécuter son préavis a droit à l’indemnité correspondante. Le licenciement abusif motivé par la perturbation de l’entreprise et la nécessité de remplacer le salarié s’ajoute à une liste d’exceptions déjà retenues par la jurisprudence. Celle-ci retient en effet que l’indemnité de préavis est due au salarié :
- dont l’arrêt de travail pour maladie résulte d’un harcèlement moral imputable à l’employeur (arrêt du 20 septembre 2006) ;
- licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, en cas de manquement de l’employeur à son obligation de reclassement (arrêt du 26 novembre 2002 ; arrêt du 7 décembre 2017).
Dans ces hypothèses, la maladie du salarié est la cause première de l’impossibilité d’exercer le préavis. Mais la circonstance que ce dernier, du fait d’un arrêt de travail, ne puisse pas exécuter le préavis n’est que secondaire. Le salarié, abusivement privé de son contrat de travail par la décision de l’employeur, peut prétendre au versement de l’indemnité compensatrice.
► La Cour de cassation accorde également l’indemnité compensatrice de préavis au salarié dont le contrat de travail est rompu en raison d’un comportement fautif de l’employeur : par exemple en cas de refus de la mise en œuvre abusive d’une clause de mobilité (arrêt du 18 mai 1999) ou de prise d’acte de la rupture du contrat produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (arrêt du 19 décembre 2007). Dans ces circonstances, en effet, il ne peut être exigé du salarié qu’il exécute un préavis dans ces conditions.